J'ai revu Les contes de Terremer car c'est un film qui m'avait laissé de très bons souvenirs et qu'il est considéré par certains comme le mouton noir des Ghibli, de manière plus ou moins solidaire avec l'autre célèbre film de Goro Miyazaki, La colline aux coquelicots (que je n'ai pas encore revu).
Et j'arrive à concevoir que Terremer ne propose clairement pas la même émotion esthétique qu'un Hayao. Du moins c'est ce que mes proches pas spécialement cinéphiles lui reprochent.
De mon côté, si j'ai des problèmes à reprocher à ce film, ils sont de deux ordres plutôt mineurs.
Sur le plan esthétique d'abord, je trouve que les personnages mangent de style, de caractère. Les animations sont pauvres, légères, et font pas passer grand chose, si ce n'est dans les scènes d'actions qui sont très bien chorégraphiées. Mais dès qu'on sort de l'action, les personnages sont statiques, ce qui n'aurait pas été très grave si ceux-là avaient plus de relief graphique. Aranéide, même s'il y a un côté dérangeant à sa stature frigide, aurait pu être plus mobile. Son allure n'est pas très originale non plus : des sorciers noirs maigres et/ou androgynes, bah suffit de regarder la trilogie du SDA pour en avoir l'archétype. Je m'avance mais peut-être qu'il y a des codes occidentaux mal exploités dans ce film. Epervier est pas dégueu en soi, mais encore une fois pas très original. Le manque d'originalité me dérange pas, mais dans le genre ultra archétypal du mage mûr accompagnateur, Epervier ne fait ni pire ni mieux. L'émotion produite par le personnage est donc relativement moyenne. Je reviens tout de suite sur ses sermons qui sont pour moi pas très touchants, et qui doivent être pour d'autres encore plus insupportables.
Sur le plan du récit, je trouve que c'est très linéaire et explicite. Il y a des parts d'ombres, mais globalement le scénario est bien exposé comme il faut, chaque élément est à sa place. Le film sabote les émotions qu'il essaye de dégager avec une histoire beaucoup trop présente et conductrice. Tout tourne autour de deux choses : Arren et le sorcier noir. Les personnages sont développés juste ce qu'il faut pour être crédibles, mais pas assez pour être émouvants. Donc avec le coup de crayon qui n'aide pas, les personnages sont parfois un peu fad et peines à se démarquer.
Arren est quand même touchant, mais je vous jure on aurais eu un héros vertueux le récit aurait été naze. Avec sa fragilité, sa haine, sa naïveté, Arren a quelque chose de particulier et n'a pas à rougir face aux autres héros de Ghibli qui sont très souvent des Mar(t)y Sue en règle. Arren sauve très clairement l'histoire de ce film, qui aurait pu être génial avec une attention plus poussée sur les autres personnages, et surtout un scénario moins rigide et facile.
Mais le scénario est largement secondaire, et nous en étions resté aux défauts esthétiques qui sont eux bien plus importants. Les personnages sont pas très charismatiques, d'accord. En revanche, Terremer propose un poème graphique absolument magnifique. L'univers est magnifiquement dépeint, avec une forte présence de la thématique de la ruine. Certes, ça me plaît particulièrement car j'aime l'esthétique romantique et pastorale. Mais on ne peut nier la beauté formelle de ces villes et châteaux qui rappellent tantôt une antiquité florissante aujourd'hui plongée dans une corruption crasse, dont les humanistes rêvaient, tantôt le Moyen-Âge mystique et alchimique de Barbe-Bleue/Gilles de Rais qui a fait fantasmer Michelet, Huysmans et Bossard.
C'est un poème qui parle de monuments, du passé rappelé en un souffle. Et la musique va très bien avec tout ça. Je pense pas que j'ai besoin de faire un commentaire sur l'émotion que procure la musique.
C'est simplement malheureux que les personnages et les thématiques du récit soient autant en décalage avec l'ambiance esthétique du film d'animation. On sent qu'il y a une incapacité de Goro a créer quelque chose de cohérent, et ducoup le film ne va pas aussi loin dans les émotions qu'il aurait pu le faire. D'où mon 7/10 malgré d'une part les nombreux défauts que j'ai relevés, et d'autre part malgré mon amour pour se film.
Lundi 13 mars 2023, Leodegar.