Je sur-note peut-être un peu, mais c'est le genre de projet français qu'on a envie de défendre : la chronique d'un quartier populaire en pleine phase de gentrification, par les têtes pensantes du collectif hip hop "La rumeur".
Au centre du premier long-métrage de Hamé et Ekoué, il y a deux frères que tout oppose ou presque : pas de la même génération, Nasser (qui sort de deux ans de placard) et Arezki (qui tient un petit bar à Pigalle) n'ont pas le même regard sur le présent et l'avenir, sur le quartier et sur Paname, ils n'ont pas les mêmes fréquentations ni les mêmes ambitions.
Une tragédie shakespearienne sur le pavé parisien, pourrait-on penser, mais les deux réalisateurs souhaitent visiblement prendre le contrepied des attentes du spectateur, et préfèrent le plus souvent désamorcer la violence latente.
"Les derniers parisiens" s'apparente surtout à une tranche de vie, avec une mise en scène qui colle au plus près des personnages, et son dénouement n'est pas exempt d'un caractère déceptif assez courageux, à l'opposé des effets de manche habituels.
La force du film tient donc moins dans ses enjeux narratifs (modestes voire inaboutis) que dans son authenticité : Hamé et Ekoué n'ont pas iconisé la beauté de Pigalle, on est aussi confronté à la crasse urbaine et au magouilles minables, au bruit et à l'odeur comme dirait l'autre.
Ce que le film perd sans doute en ampleur et en élégance formelle, il le gagne en justesse et en sincérité : les seconds rôles, non-professionnels pour la plupart, apportent en ce sens une belle touche d'énergie et de naturel, au même titre que la spontanéité des dialogues.
Quant à Reda Kateb l'extraverti et Slimane Dazi le taiseux, ils sont tout à fait crédibles dans leur rôle respectif.
"Les derniers parisiens" n'évite cependant pas certaines maladresses. Ainsi, le personnage allégorique du SDF, dont les quelques apparitions n'apportent rien et frôlent même le ridicule.
De même, la conseillère d'insertion et de probation interprétée par Mélanie Laurent se révèle assez crispante, ce n'est pas ce rôle qui réconciliera la comédienne avec ses (nombreux) détracteurs.
Quoi qu'il en soit, cela fait plaisir de voir le cinéma français s'intéresser à la capitale sous un angle original et particulièrement inhabituel, et rien que pour cette ballade amère et douloureuse - mais pas résignée - dans ce Pigalle en mutation, "Les derniers parisiens" mérite le coup d'œil.