Quand on regarde pour la première fois ce film, on se prend une vraie claque car Clouzot nous ayant bien "endormi" pendant une bonne heure et demie, change brutalement de braquet pendant la dernière partie pour finir de manière très inattendue.

Quand je dis "endormis", c'est au sens où tout parait très clair. Il n'y a pas de raison de mettre en doute ni les personnages, ni leurs actions. La relation triangulaire mari-femme-maîtresse semble bien huilée et la solidarité, bien naturelle, entre femmes bafouées. Tout est corroboré par les faits, évidents et aveuglants, dans ce pensionnat qui vit en vase-clos où enfants et enseignants cohabitent, s'observent et se chicanent.

Il y a bien deux, trois bizarreries relayées par les témoins mais elles trouvent leur explication "endormant" le spectateur en toute confiance. Même si le spectateur, un peu plus fûté, subodore quelque anomalie, Clouzot se charge d'aiguiller le vilain curieux vers des fausses pistes (scène du bidasse ivre, par exemple). À la fin, quand les masques tombent, c'est une vraie surprise à laquelle on ne s'attend pas. Dont je ne dirai rien comme le souhaite Clouzot à la fin du film.

Est-ce à dire qu'il ne faut voir ce film qu'une seule fois ? Bien sûr que non, car le film est tellement riche en effets cinématographiques, en rebondissements, en jeux d'acteurs qu'on prend beaucoup de plaisir à examiner l'excellente opération de manipulation orchestrée par maître Clouzot.

J'en suis au n-ième visionnage et par exemple, au dernier, j'ai particulièrement examiné le couple des deux femmes. Je passe sur l'aspect "amies/ennemies", sur l'aspect de la solidarité entre femmes (qui sont aussi de vrais sujets) pour ne m'attacher qu'à l'aspect "dominante/dominée". On sait que le rôle de la maîtresse est tenu par Simone Signoret et celui de l'épouse par Véra Clouzot. D'évidence, l'actrice S. Signoret est plus dégourdie, plus dynamique, plus extravertie même meurtrie par son amant. On ne s'étonne donc pas qu'elle prenne le lead sur la frêle et malade Véra Clouzot. Là où, je suis épaté c'est de voir que le rapport "dominante/dominée" évolue au point que Véra Clouzot finit par prendre le lead et que Simone Signoret montre quelques faiblesses inattendues. Et curieusement, on sent confusément que Véra Clouzot aime encore son mari (malgré toutes les humiliations subies). Tandis que Simone Signoret n'a plus que haine et mépris pour cet amant violent. Encore un effet délicieux de ce grand pervers de Clouzot !

Et ce personnage du mari interprété par un Meurisse impérial dans sa muflerie, son aplomb et sa misogynie. En langage moderne, on pourrait parler d'être dominateur, de mâle alpha …

Et ces nombreux seconds rôles tous excellents pour entretenir cette ambiance délétère dans le pensionnat : Michel Serrault et Pierre Larquey en professeurs qui passent leur temps à observer et tirer des conclusions erronées. Ou encore, Dalban (en pompiste), Roquevert (en mari d'une agrégée de grammaire fan des jeux à la radio), Lefevre en bidasse …

Un grand film de Clouzot. Mais, c'est bien embêtant car je ne connais que de grands films de Clouzot ("le corbeau", "l'assassin habite au 21", "Quai des orfèvres", "Le salaire de la peur", … )

JeanG55
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le 30 juil. 2024

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