Après avoir vu et peu apprécié "Exodus : Gods and Kings", j'ai éprouvé le besoin de revoir la référence en la matière, "les dix commandements" de Cecil B. DeMille réalisé en 1956.
D'abord il convient de préciser une première chose, le film est inspiré de la Bible mais le scénario se base sur plusieurs romans (que je ne connais pas). La précision n'est pas anecdotique car dans le texte de référence, il n'est jamais dit que Moïse est assimilé à un enfant de la classe royale et devient un "prince d'Egypte". Encore moins qu'il est exilé dans le désert par punition (il s'exile volontairement au contraire)...
Cependant, il faut bien avouer que la mise en scène d'un Moïse en prince d'Egypte devenir un égal du fils du Pharaon rajoute un aspect beaucoup plus romanesque voire même mélodramatique et donne de la dimension au personnage de Moïse.
Ensuite, le film rajoute un parallèle christique à plusieurs reprises dans la première partie notamment lorsque Moïse est proscrit dans le désert. Bien évidement, ceci sort complètement du contexte et de l'esprit du livre de la Bible.
Je pense qu'en 1956, au sortir de la seconde guerre mondiale et de la Shoah, il était important d'élargir la portée d'un message universaliste contre les oppressions des peuples soumis à une dictature. Personnellement, je trouve le "parallèle" superflu et je crois surtout qu'il brouille l'histoire de Moïse qui se suffit à elle-même.
Au delà de ces fortes considérations, le film de Cecil B. DeMille est grandiose. C'est le film de la démesure. Un budget énorme, un nombre démentiel de figurants. Il magnifie la lente marche du peuple hébreu sortant de la vile de Goshen vers la liberté après 400 ans d'esclavage.
Le film dure un peu moins de 4 heures qu'on ne voit pas passer car l'action est très dense sans aucun temps mort avec beaucoup de personnages dans des décors sensationnels.
On suit avec grand intérêt l'évolution de Moïse joué par un magistral Charlton Heston entre son retour d'une guerre de conquête en Ethiopie et sa reprise de la construction de la ville de Goshen jusqu'à la scène finale. Son aspect physique évolue entre le beau gosse du départ et le prophète extatique et illuminé de son retour de sa première rencontre avec Dieu.
Son face à face avec Ramses lors des annonces des plaies qui vont s'abattre sur l'Egypte est très crédible. Et Yul Brynner en obstiné et ambitieux fils de pharaon puis pharaon est parfait.
Du côté des actrices, il fallait des femmes solides et à la hauteur : c'est bien le cas avec Ann Baxter en une complexe Nefertari en amoureuse passionnée de Moïse mais soumise à Pharaon qui ira se payer le culot de se mesurer à Yvonne de Carlo, sublime et aimante Sephora dans un beau face à face.
Il n'y avait que Judith Anderson (Mme Danvers dans Rebecca) pour jouer à la perfection la venimeuse servante Memnet !
Quant à Debra Paget, elle joue le rôle de Lilia qui devra épouser l'infâme Dathan. On n'aura malheureusement pas le loisir d'en profiter beaucoup.
Dathan ? C'est le personnage que joue un EG Robinson machiavélique. Dans toute communauté, il y a un traitre ; ou à l'inverse, tout oppresseur a intérêt à utiliser et à favoriser en sous-main un membre de la communauté (esclave ou soumise) qui se chargera du sale boulot. C'est une notion très vingtième siècle post 2ème guerre mondiale. Et là, il faut bien dire qu'EG Robinson excelle dans le genre.
"Les dix commandements" c'est aussi des décors impressionnants, des costumes magnifiques et une couleur tranchée grâce au technicolor.
Pour employer le langage moderne, les effets spéciaux sont faits en "hard", à l'ancienne, construits physiquement (l'ouverture de la mer Rouge). Mais je crois que je préfère presque ça aux effets numériques "soft" pas toujours convaincants.
Un film monumental, pharaonique ...