Voilà un film que j'ai vu un grand nombre de fois dont, il me semble me souvenir, une fois dans un cinéma d'art et d'essai. Et je dois avouer que je le redécouvre à chaque fois avec un grand plaisir.
Il y a deux raisons qui en font, pour moi, un film de guerre à part dans l'imposante filmographie sur la seconde guerre mondiale.
D'abord, il y a le caractère très improbable du film qui est même avoué, à voix basse, par un gradé de l'État-major américain : "Il y a des généraux chez nous un peu fous". Le scénario part sur un postulat parfaitement crédible puisqu'il faut tout faire à l'arrière des lignes pour faciliter le débarquement en Normandie. Ces actions consistent, en pratique, à activer tous les maquis de façon à empêcher l'armée d'occupation de rejoindre le front ou encore stopper les trains de munition. Mais, ici, il s'agit d'organiser (en quelques mois) un commando à partir de 12 repris de justice, qui n'ont plus rien à perdre, afin d'attaquer un lieu résidentiel en Bretagne, où se réunit la fine fleur du commandement nazi en France.
Le commando est improbable et le fait de supprimer quelques dizaines d'officiers n'est certainement pas de nature à gêner l'armée allemande.
Mais cet aspect improbable du scénario me parait assez génial dans la mesure où Aldrich s'autorisera ainsi bien des libertés et bien des fantasmes.
Le deuxième point particulier est qu'Aldrich ne perd aucune occasion pour faire apparaître son antimilitarisme, son peu de goût pour la discipline militaire et son aversion pour la guerre.
Dans la première partie du film qui est consacrée à la formation du commando, il stigmatise le conformisme de certains officiers supérieurs plus préoccupés par le "paraitre" devant les chefs que par l'efficacité. Surtout, il montre le cynisme des généraux face au commando où les promesses faites "n'engagent que ceux qui les écoutent".
La deuxième partie du film, qui concerne la mission du commando, montre que dans "l'art" de la guerre, les atrocités ne sont pas forcément du côté de l'ennemi. En effet, le commandant n'hésitera pas à donner l'ordre clair de tuer des civils. Comme on sait que ce sera aussi parfois le cas lors de la guerre du Vietnam.
Des deux parties, celle que je préfère et de loin, c'est la première partie où le commandant Reisman (Lee Marvin) forme son commando. Ce que je trouve remarquable, c'est la manipulation mentale que Reisman effectue pour transformer des individualités asociales, rétives à toute discipline et à toute morale et en faire des soldats qui seront parfaitement disciplinés et solidaires. Et l'axe sur lequel Lee Marvin va s'appuyer dans ses entretiens préliminaires avec les (encore) détenus pour les motiver, ce sera juste la vanité qu'il y a dans chaque homme. Ultérieurement, ce sera la connivence (cynique et intéressée) entre Reisman et ses douze salopards contre le reste de l'armée (symbolisée par Robert Ryan) qui va permettre de souder l'équipe.
Il y a bien un autre aspect qui m'a effleuré, sans que je ne le considère comme très plausible. Douze salopards et un commandant qui, au fond, ne l'est pas moins. Et dans la bande, il y en a un (pervers) qui se croit missionné par Dieu (pour châtier les impies). Ça me ferait bien penser à quelque chose. Oh non, je ne pense pas que le scénariste et Aldrich aient voulu aller si loin … Jean, ça suffit, arrête ton mauvais esprit et ton ironie à deux balles !
Le casting n'est pas pour rien dans la réussite du film.
Lee Marvin se taille la part du lion en officier supérieur iconoclaste mais les autres seconds rôles sont très intéressants. Comme Robert Ryan dans son rôle de colonel de salon ridicule mais si crédible, Donald Sutherland génial dans sa revue des troupes en singeant un général incognito, Borgnine dans le rôle du général pour qui tous les moyens sont bons, Georges Kennedy en adjoint du général, acquis à la cause de Lee Marvin. Ou Bronson dans un rôle pas si salopard que ça.
Pour finir, "les douze salopards" est un excellent film qui dépasse largement le cadre du simple film de guerre.