Les rêves, la vie, c'est pareil.
1945 est une date très importante, qui restera gravée dans le cœur de tout français, qu'il ait connu ou non cette époque. On attendait depuis des années la fin de cette période insoutenable, des gens sont morts et l'on regrettera à tout jamais le fait qu'ils n'aient pu connaître cette date historique qu'est 1945. En effet, après des années de supplices et d'attente... Après trois ans de tournage, Les Enfants du Paradis voit enfin le jour, et c'est sans doute, ce fameux 9 mars 1945, jour de sortie, qui est la date la plus à retenir de cette décennie.
La paradis, c'est le dernier étage de la salle de théâtre situé au dessus des loges et des balcons. C'était la place de la populace qui n'avait pas les moyens de s'offrir une place de choix au plus près de la scène. Paradis, car c'est la zone où nous étions le plus près du plafond, où nous avons une position proche du ciel...
Ses enfants sont : Arletty, Jean-Louis Barrault, Pierre Brasseur. On appelle respectivement la première Garance, petite fleur épineuse difficile à cerner, qui piquera bon nombre de cœurs durant ces grandioses trois longues heures. Le second, c'est Baptiste qui va apparaître sous les traits de Deburau, un célèbre mime franco-bohémien qui aura bien de mal à cueillir la fleur. C'est lui qui apporte la plus belle touche de poésie. Enfin, il y a Frédérick Lemaître, personnage qui apporte tant d'humour et de joie de vivre, inspiré de l'artiste du même nom ayant également existé.
Le casting d'acteurs est exemplaire, et pourtant il ne faut pas oublier ces autres artistes qui n’apparaissent pas à la caméra. Une petite pensée pour ces grands noms, avec le costumier se nommant Mayo. L'assistant artistique musicoman répondant au nom de Blondy. L'ingénieur fan de petits sirops appelé Teisseire. Le monteur qui meuble comme il peut, dénommé Rust. Le directeur qui exécuta ce qui touche à la musique est le célèbre Charles 'monster' Münch. Tout plein de bonnes personnes pour une oeuvre qui envoie du Pathé.
Les Enfants du Paradis est l'une des rares superproductions entreprises durant cette futile guerre, qui engendra donc de nombreux pseudonymes qui nous feront plus ou moins rire, car les noms aux connotations juives ne plaisent pas vraiment à nos envahisseurs. Mais il y a également dans cette oeuvre d'autres noms légendaires.
Le grand Jacques Prévert est à l'origine du scénario et ce dernier nous livre en plus, de somptueux dialogues dans cette réalisation signée Marcel Carné devenue mythique. Chaque réplique, chaque intervention est savoureuse en particulier sur les différentes altercations avec la si convoitée Garance, à la voix qui fait tant sourire. Que ce soit avec notre mime et ses réflexions sur la vie et l'amour, ou le splendide, charmeur et audacieux Frédérick :
"Ne dîtes pas non, vous avez souri ! La vie est belle, et vous êtes comme elle..."
Poésie, poésie, poésie. Tant de grâce entre ces échanges entre chaque personnage. Où on va être ému par ces marivaudages. On va rire à l'instar des spectateurs du paradis, en regardant l'improvisation parfaite de Mr.Lamaître. On va être captivé par cette dernière action de Lacenaire. Puis cette fameuse scène où tout est bouleversé lorsque tous nos protagonistes sont réunis, n'est-ce pas là, la scène ultime d'un chef d'oeuvre incontesté ? Ces personnages nous tiennent en haleine avec une telle aisance, c'est un vrai plaisir de suivre ces personnalités au caractère bien trempé, puis assister à leur choix cornélien pour un amour presque shakespearien. Ça prend le cœur.
Que dire de plus... ce film est parfait. Il mêle et entremêle si bien le théâtre au cinéma. Il mêle et entremêle si bien les amourettes de chacun des personnages sans tomber dans la niaiserie. Il mêle et entremêle si bien... nous, spectateur, à ce film qui n'est autre qu'un monument du Cinéma Français. Joseph Kosma nous livre une fois de plus, une musique qui émerveillera nos tympans dès le générique jusqu'au baisser de rideau. Le film à la faculté de pouvoir nous donner envie d'être transportés, à l'instar de Midnight in Paris, dans cette époque révolue. Traverser le Boulevard du Crime parmi ces 20 000 personnes présentes chaque soir, assister à ces représentations évoluant si vite, passer des drames aux vaudevilles... Et puis pourquoi ne pas rencontrer ces grandes figures que sont nos personnages si travaillés.Et pourquoi ne pas faire la cour à Garance ?
Quand je regarde ce film, j'ai beau être au premier rang, je suis en quelque sorte moi aussi, un peu au paradis.
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