Deux heures de nombrilisme cinématographique le plus intense sont au rendez-vous du nouveau film d’Arnaud Despleschin. Deux heures de purge sans réellement de sens si ce n’est celui détenu par l’esprit du metteur en scène ou par des critiques parisiennes bienveillantes et prétentieuses faisant fi d’avoir saisi le salmigondis prétentieux du cinéaste. Deux heures d’ennui soporifique où il ne se passe rien d’intéressant et où tout sonne terriblement faux. Et le pire c’est que ce film (ou plutôt cet essai, tant il se rangerait davantage dans cette catégorie), a les honneurs de faire l’ouverture du Festival de Cannes cette année. En espérant que la sélection ne soit pas au diapason. On se demande quelle mouche a piqué Thierry Frémeaux de ne pas choisir un blockbuster intelligent ou un Woody Allen comme à l’accoutumée! Pauvres festivaliers !
On sait que les films de Despleschin ne sont pas forcément faciles d’accès. Il a un univers bien particulier et on ne peut reprocher à son œuvre une certaine cohérence, remettant sans cesse en images les mêmes personnages, les mêmes obsessions, souvent à caractère autobiographique où réalité et fantasmes se mêlent. On avait apprécié son précédent film « Trois souvenirs de ma jeunesse », charmante cartographie de son adolescence à Roubaix tout comme « Un Conte de Noël » et son règlement de comptes en famille. C’est du cinéma d’auteur pur et dur, par lequel il faut se laisser happer au risque d’en être exclu. Mais c’est souvent bien écrit et pétri de qualités narratives indéniables tout comme de réflexions intéressantes. Mais là non ! « Les fantômes d’Ismaël » est un repoussoir, une caricature de cinéma d’auteur, voire une caricature de son cinéma à lui que Desplechin nous afflige à la figure.
Partant du point de départ du retour d’un amour de jeunesse, le réalisateur nous tisse un scénario sans queue ni tête, où il nous balance ses préoccupations ou ses illuminations dans le chaos le plus total. Un magma de clichés auteuristes vain et vaniteux qui, sous couvert d’art, insulte le spectateur en lui donnant l’impression qu’il est bête. Pire, comme conscient de l’inanité de son scénario, Desplechin le rend même bicéphale en y incluant une mise en abyme avec le personnage clé de son œuvre, Dédalus. Si ce n’est le flegme de Louis Garrel, il n’y a rien à retirer des séquences inutiles. Fourre-tout, son film est une insulte permanente au cinéma. Certes, il sait filmer mais voir des acteurs de haut niveau jouer comme des pieds et débiter des dialogues trop écrits dans des situations insensées annihile tout reste de volonté qu’il pouvait nous rester. On décroche totalement de ce pensum abscons qui n’a de bien que son emballage. Le cinéma, si exigeant soit-il, c’est faire plaisir à son spectateur. Là on est en face du néant et d’un des pires films vu de mémoire récente!