Le film de René Clément est une pâle adaptation d'un brillant roman de Day Keene mais, en même temps, la brillante mise en scène d'un polar américain transposée dans la région de Nice.
Pâle adaptation car le scénario retenu simplifie trop les pedigrees des personnages du roman et dévoile pratiquement d'entrée une partie de l'intrigue. Dans le roman, il faut attendre très longtemps, pratiquement la fin, pour comprendre qu'il s'agit d'une machination mais aussi d'une mystification (voir ma chronique du roman). Lorsque machination se heurte à mystification, il y a forcément problème … Tout l'art de Day Keene est de nous laisser espérer que rien n'est très grave et que tout peut s'arranger alors qu'il n'en est rien, bien sûr, à cause d'un Destin inexorable plutôt malveillant.
Pour ce qui concerne la mise en scène, Clément a fait le choix du noir et blanc en 1964 pour peut-être recréer cette ambiance du film noir. Toujours est-il que la photographie y est très belle y compris celle du marché aux fleurs de Nice, c'est dire …
Clément a aussi fait le choix de privilégier le cadre et les numéros d'acteur et actrices au détriment de l'histoire qui est traitée de façon grinçante et ironique : les gangsters à la poursuite de Marc sont très bêtes et un peu en dessous de ce qu'on pourrait attendre de leur look très méchant, la 2CV qui voisine avec la Rolls, etc. Du coup, on a du mal à s'intéresser à l'histoire mais on se plait à suivre les scènes de manipulation ou de marivaudage entre Marc et le tandem Barbara/ Melinda. Dont on comprend bien que ça cache forcément quelque chose de pas clair voire de malsain.
La musique de Lalo Schiffrin restitue aux bons moments un peu de tension inhérente à tout film noir qui se respecte.
Le casting repose sur les trois acteurs et actrices.
Alain Delon dans le rôle de Marc, petit gigolo pas bileux malgré les casseroles qu'il traine aux fesses et les gangsters à ses trousses qui, il est vrai, n'ont pas inventé le fil à couper le beurre.
Lola Albright dans le rôle de la veuve, Barbara Hill qui va embaucher Delon comme chauffeur de la 2CV ou de la Rolls. Dame patronnesse quand il le faut, patronne à ses heures et manipulatrice autrement. Une vraie chatte dont on sait bien qu'elle n'a ni dieu ni maître.
C'est Jane Fonda dans son personnage de Melinda, la nièce de la veuve, qui tire certainement son épingle du jeu dans un rôle d'amoureuse ou de mante religieuse prête à gober Delon tout cru. La femme fatale indispensable à tout film noir qui se respecte.
Comment résumer ce film où mon ressenti est, quand même, très partagé ?
C'est un film élégant qui fait le choix de privilégier la mise en scène et les numéros d'acteur, tous félins dans leur genre. Au détriment d'une histoire à laquelle on peine à croire et à des personnages un peu trop inconsistants dans leur ambiguïté.