Ce film va en dérouter plus d'un, il est tout sauf classique, tout sauf normé. Construit à partir de rushes tournés depuis le début du siècle pour lesquels le réalisateur a filmé son actrice fétiche. Rushes à partir desquels un scénario a pu être élaboré, au prix de quelques prises de vues supplémentaires. Il y a donc un pitch qui est pour le moins évanescent, d'autant que la quasi-absence de dialogues rend la compréhension de l'intrigue assez ardue. Rien ou presque n'est véritablement explicite, même si le spectateur peut reconstituer peu ou prou ce dont il est question. Peu ou prou, car ceux qui l'ont visionné en même temps que moi n'en n'ont pas eu exactement la même compréhension.
Mais de flou de l'intrigue ne retire finalement rien au caractère poétique et onirique du film, bien au contraire. Et son dénouement parvient à susciter une véritable émotion (du moins en ce qui me concerne), quelque part peut-être plus précieuse que le pathos à deux balles de certaines comédies romantiques ou sociales. La photographie, majestueuse, fait le reste pour ce qui est de la poésie.
On peut également voir les feux sauvages comme une sorte de documentaire sur la Chine du 21ième siècle et sa transformation, ce qui contribue également à instiller une forme de nostalgie qui en soutient la poésie. Ça débute avec une première époque autour de l'an 2000, dans un décor où les vestiges du communisme sont encore présents et se délabrent, mais où la joie existe encore (très belle scène introductive). Ça se poursuit au moment de la construction du monstrueux barrages de trois gorges, avec l'apparition des téléphones portables mais aussi de la corruption. La troisième et dernière époque se situe vers 2020, et, tournée dans une ville du nord en hiver et sous la neige, est franchement crépusculaire. Le spectateur y découvre de nombreux stigmates du capitalisme : supermarchés, smartphones, running pour n'en citer que quelques uns...
Et l'ensemble forme un objet cinématographique certes pas facile à appréhender, mais qu'il est difficile, sauf à passer complétement à côté, de trouver mauvais. Car il possède une vraie dimension artistique, à des lieux de l'industrie cinématographique.