Ce film va en dérouter plus d'un, il est tout sauf classique, tout sauf normé. Construit à partir de rushes tournés depuis le début du siècle pour lesquels le réalisateur a filmé son actrice fétiche. Rushes à partir desquels un scénario a pu être élaboré, au prix de quelques prises de vues supplémentaires. Il y a donc un pitch qui est pour le moins évanescent, d'autant que la quasi-absence de dialogues rend la compréhension de l'intrigue assez ardue. Rien ou presque n'est véritablement explicite, même si le spectateur peut reconstituer peu ou prou ce dont il est question. Peu ou prou, car ceux qui l'ont visionné en même temps que moi n'en n'ont pas eu exactement la même compréhension.

Mais de flou de l'intrigue ne retire finalement rien au caractère poétique et onirique du film, bien au contraire. Et son dénouement parvient à susciter une véritable émotion (du moins en ce qui me concerne), quelque part peut-être plus précieuse que le pathos à deux balles de certaines comédies romantiques ou sociales. La photographie, majestueuse, fait le reste pour ce qui est de la poésie.

On peut également voir les feux sauvages comme une sorte de documentaire sur la Chine du 21ième siècle et sa transformation, ce qui contribue également à instiller une forme de nostalgie qui en soutient la poésie. Ça débute avec une première époque autour de l'an 2000, dans un décor où les vestiges du communisme sont encore présents et se délabrent, mais où la joie existe encore (très belle scène introductive). Ça se poursuit au moment de la construction du monstrueux barrages de trois gorges, avec l'apparition des téléphones portables mais aussi de la corruption. La troisième et dernière époque se situe vers 2020, et, tournée dans une ville du nord en hiver et sous la neige, est franchement crépusculaire. Le spectateur y découvre de nombreux stigmates du capitalisme : supermarchés, smartphones, running pour n'en citer que quelques uns...

Et l'ensemble forme un objet cinématographique certes pas facile à appréhender, mais qu'il est difficile, sauf à passer complétement à côté, de trouver mauvais. Car il possède une vraie dimension artistique, à des lieux de l'industrie cinématographique.

Marcus31
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Vu au cinéma en 2025

Créée

le 13 janv. 2025

Critique lue 9 fois

Marcus31

Écrit par

Critique lue 9 fois

D'autres avis sur Les Feux sauvages

Les Feux sauvages
Slapkanovitch
9

2001, l'Odyssée de l'amour

Jia Zhangke navigue à marée haute. Caught by the Tides est un tsunami émotionnel, synthèse de sa filmographie entamée en 1997 avec Xiao Wu, artisan pickpocket. Il filme une fresque sentimentale qui...

le 27 mai 2024

10 j'aime

Les Feux sauvages
Plume231
3

La Fin d'une histoire pas commencée !

Bon, je crois que j'ai fait une bêtise, à savoir que, n'ayant jamais vu de films de Jia Zhangkeauparavant, j'ai choisi de faire connaissance avec son univers par l'intermédiaire des Feux sauvages. Je...

le 28 janv. 2025

9 j'aime

7

Les Feux sauvages
Sergent_Pepper
7

24 ans dans la vie d’une Chine

Certains films se méritent. En compétition à Cannes, deux films de la compétition ont sérieusement mis à l’épreuve les spectateurs, par une mise en contexte ardue, une dilatation du temps et une...

le 24 janv. 2025

8 j'aime

Du même critique

Papy fait de la résistance
Marcus31
10

Ach, ce robinet me résiste...che vais le mater

Ce qui frappe avant tout dans ce film, c'est l'extrême jubilation avec laquelle les acteurs semblent jouer leur rôle. Du coup, ils sont (presque) tous très bons et ils donnent véritablement...

le 2 sept. 2015

42 j'aime

5

Histoire de ta bêtise
Marcus31
10

A working class hero is something to be

Un pamphlet au vitriol contre une certaine bourgeoisie moderne, ouverte, progressiste, cultivée. Ou du moins qui se voit et s'affiche comme telle. On peut être d'accord ou non avec Bégaudeau, mais...

le 15 avr. 2019

33 j'aime

7

Madres paralelas
Marcus31
5

Qu'elle est loin, la Movida

Pedro Almodovar a 72 ans et il me semble qu'il soit désormais devenu une sorte de notable. Non pas qu'il ne l'ait pas mérité, ça reste un réalisateur immense, de par ses films des années 80 et du...

le 14 déc. 2021

25 j'aime