Je ne suis pas forcément le meilleur public de documentaire qui soit : autant j'apprécie en regarder, autant je considère rarement un documentaire comme un chef-d’œuvre d'un point de vue purement subjectif. Les Filles d'Olfa est sans doute l'exception qui confirme la règle.
Je suppose que l'une des raisons premières de mon amour pour ce film est qu'il brouille fréquemment la frontière entre documentaire et fiction. Les souvenirs d'Olfa et ses filles sont reconstitués avec des acteurs et filmés comme s'il s'agissait d'une fiction. Même les scènes d'interview sont particulièrement mises en scène afin de permettre la photographie la plus cinématographique possible.
Mais ce qui me plaît particulièrement dans ce film, c'est bien entendu son récit qui parvient à faire sens de la radicalisation des filles d'Olfa. Toutes les causes sont présentées : une mère conservatrice et envahissante à laquelle on essaie de résister, traumatismes personnels, effet de groupe, montée en puissance des islamistes après la révolution tunisienne de 2011... Tout cela donne un portrait très complexe de cette radicalisation tout en étant parfaitement compréhensible.
Le film apparaît également comme un avertissement à l'égard d'Occidentaux naïfs à l'égard de l'islamisme. La place du voile dans ce processus de radicalisation est parfaitement explicitée : les filles le portent par pression plus que par véritable conviction personnelle et il s'agit bien d'un habit misogyne ; de plus, comme le film l'explique bien, la Tunisie l'a longtemps interdit par volonté de résistance à l'islamisme. Autant dire que certains feraient bien de méditer là-dessus.