J'avais beau avoir la version vu de Mervyn LeRoy et celle de Gillian Armstrong, je ne me souvenais que très vaguement de l'histoire, me permettant (plus ou moins) de la redécouvrir et de l'apprécier. Cela écrit, surtout au vu des critiques forts élogieuses dont il était accompagné, « Les Filles du docteur March » reste une légère déception. Loin de la relecture modernisée espérée, nous sommes au contraire dans un classicisme bon teint, proposant finalement bien peu d'audaces. Alors évidemment : ce n'est pas évident de prendre d'importantes libertés face à un tel ouvrage. Mais essayer, ne serait-ce qu'un peu...
Il y a néanmoins quelques avantages : c'est propre, soigné, certes économe dans sa reconstitution tout en gardant une dimension assez universelle, la qualité du roman originel ne pouvant décemment vous permettre de vous planter totalement. Je n'ai toutefois pas trouvé cet esprit de liberté, cette fougue censés caractériser l'héroïne, me perdant parfois légèrement dans la chronologie et les divers événements, alors que le film est pourtant avant tout pensé comme un long flashback. En revanche, on échappe assez habilement au #MeToo lourdingue qu'il aurait été si facile d'exploiter au vu du contexte : on sent que la tentation est parfois grande, mais Greta Gerwig ne cède pas (trop).
C'est toutefois vraiment dans sa seconde partie que l'œuvre trouve son sens, sa « raison d'être », abordant ouvertement le dépit amoureux, la solitude, la fin de l'enfance, parfois avec mélancolie, toujours avec douceur, sans pour autant se départir d'un
« happy end »
presque inévitable. Quelques scènes assez savoureuses (notamment celles avec son éditeur) et surtout un fort joli casting (Saoirse Ronan, Jo idéale, pas mal entourée, notamment par Timothée Chalamet, certes dans un registre très habituel, mais dans lequel il excelle ici, et Meryl Streep, rappelant fortement la Violet Grantham de « Downton Abbey » par ses répliques cinglantes) compensent ainsi un montage parfois curieux et un goût appuyé pour l'ellipse, la non-nomination de Gerwig comme meilleure réalisatrice n'ayant rien d'un scandale, trop sage et illustrative pour pouvoir y prétendre. Un aimable divertissement, faisant agréablement écho à notre époque par son esprit d'émancipation, à défaut de vraiment justifier l'engouement critique l'ayant propulsé parmi les favoris des Oscar.