Bertrand Mandico porte à l’écran un premier long métrage dont la résonance onirique invite le spectateur à déconstruire une réalité sexuelle binaire pour s’orienter vers une conception mobile de la sexualité. En effet, c’est par son esthétisme très organique d’une part, et, par la mise en image d’une conception mouvante du genre d’autre part, que le réalisateur a su affirmer sa singularité dans l’espace cinématographique français.
Ainsi, la première partie du film dépeint la rééducation d’un groupe de cinq adolescents dont les sévices les poussent à se soumettre aux méthodes d’éducations très excentriques du capitaine, faisant par son esthétisme et sa violence écho à Orange Mécanique de Stanley Kubrick. La suite du film, elle, prend une dimension radicalement différente, mettant en scène la découverte d’une Ile mystérieuse dont la végétation luxuriante apparaît comme l’allégorie de l’expérimentation du plaisir sexuel.
Si les garçons sauvages est classé dans la catégorie des films de genre par la critique c’est justement car celui-ci ne se définit par aucun autre genre cinématographique préétabli. En effet, ce dernier se trouve être au croisement du récit d’aventure initiatique, du genre fantastique et du surréalisme. Si cette stylistique si particulière peut sans doute dérouter le spectateur, celle-ci n’est utilisée que pour mieux représenter la volonté du cinéaste de jouer avec la question du genre.
En effet, l’identité sexuelle apparaît comme la problématique centrale du film. De ce fait tout est mis en œuvre pour symboliser cette dernière, que ce soit par le choix de comédiens aux physiques très androgynes, à leur voix mais également la végétation rappelant certains organes sexuels qu’ils soient féminins ou masculin. Ainsi, Bertrand Mandico, invite le spectateur à s’émanciper du genre, à l’image de ces protagonistes dont la masculinité, leur apparaissant si essentielle au début du film, disparaît au fur et à mesure de leur pénétration dans la forêt et laisse progressivement place à un physique féminin. C’est par ailleurs, par cette transformation corporelle, que l’auteur dissocie le sexe du genre. En effet, si les personnages se métamorphosent physiquement, ceux-ci demeurent néanmoins identique, au regard de leurs pulsions intérieures et de leur besoin de liberté.
C’est en cela que le cinéaste nous offre une expérience transgressive. Cette dimension peut s’observer d’un triple point de vue, du point de vue du style du film qui transgresse tous les genres, du point de vue du passage entre enfance et adolescence et enfin, du point de vue de l’émancipation de la dichotomie entre masculin et féminin. Cependant, cette déconstruction des genres et des styles ne pouvait se faire que par un monde fantasmagorique, le rêve étant le lieu de toutes les recombinaisons les plus insolites de la réalité.