Au départ, ça sentait pas bon. Le petit auteur hors du système à qui on confie un budget maousse, comme pour faire croire qu'il va dynamiter les règles, on sait que c'est du vent. Pourtant, le papa de "Horribilis" se retrouve aux commandes de ce gros bac de pop corn estival. Et c'est une bonne nouvelle, en fait.
Si sa sensibilité l'exclut a priori du système hollywoodien (voir son sardonique "Super" avec Ellen Page), Gunn a quand même accepté cette commande. Opportunité professionnelle ou artistique ? A la vue du film, les deux mon capitaine ! Conscient du public visé, Gunn ne cherche pas à le clouer sur place mais à lui en mettre plein les mirettes avec punch. Mission réussie, car le viandard a choisi de s'adresser aux enfants.
Investissant un comics détaché des autres héros Marvel, il démontre un amour du travail bien fait dont les couleurs font l'effet d'un feu d'artifices, joie primaire et hautement contagieuse de se faire plaisir en riant un bon coup. Car ces losers de la galaxie, s'ils sont appelés à devenir une équipe solide, ne se départissent pas de punchlines où les jurons s'incrustent avec la gouaille d'un sale gosse.
Exact inverse de ratages comme "Les 4 fantastiques", le long-métrage lorgne davantage sur ce qui reste le plus grand film de super-héros existant (l'avis n'engage que l'auteur de ces lignes) : "Les Indestructibles" de Brad Bird, dont il récupère la malice et la dynamique de groupe, les gardiens formant une équipe qui, elle aussi, donne un nouveau sens à la notion de "famille nucléaire" !
L'occasion de gags qui peuvent à la fois servir la caractérisation (les demandes saugrenues du raton-laveur, qui exige des prothèses en guise d'outils de travail !) ou carrément déclencher une scène d'action (Groot qui s'en va récupérer un objet à l'arrière plan alors que ses comparses, en pleine discussion, comprennent que c'est la dernière chose à faire pour que leur plan réussisse).
Ce sens du décalage, cette énergie juvénile, James Gunn les cultive. Pas de quoi changer le monde mais en s'imposant un rythme effréné, il tire le meilleur de son script convenu, rendant à la notion de scénario sa fonction essentielle : donner de la matière à filmer. Celle des "Gardiens de la Galaxie" est souvent grisante pour qui n'est pas allergique au divertissement pur et dur.
Mieux, quelques parenthèses font office de note d'intention, la richesse de la direction artistique se doublant d'une émotion non feinte lorsque les protagonistes laissent entrevoir le petit coeur qui bat derrière leurs grands airs. Les blagues proviennent des personnages sans qu'elles soient renvoyées vers eux comme un boomerang, et nous rend du même coup sympathiques, voire attachants, ces héros improvisés.
"Les Gardiens de la galaxie" ne marquera pas l'Histoire mais pour ce qui est de passer deux heures à parcourir l'espace en s'amusant, c'est carrément gagné. A noter qu'en plus du caméo de Stan Lee, on a droit à une apparition éclair de Lloyd Kaufman, patron de la boîte Trauma, cette usine à Z crados où a justement débuté James Gunn avant de voler vers l'équipe de Jackass puis de signer le scénario de "L'Armée des morts".
Comme quoi, s'il est en territoire ennemi de son propre cinéma (libre, sale, sexuel) pour mieux servir la soupe (colorée, consommable et inoffensive), l'homme n'a pourtant pas oublié d'où il vient. Preuve en est ce film faussement rebelle mais réellement agité d'où émergent des saveurs qu'on croyait prisonnières au fond d'une vieille malle, avec notre baladeur cassettes et nos figurines en plastique.
Et sans être indispensable, la 3D est cool, fluide, et autorise quelques chouettes compositions graphiques. Là encore, pas de quoi changer le monde mais ça semble coller avec le caractère du film : humble et direct. En bonus : une séquence post-générique en forme de clin d'oeil cinéphile dégénéré. On imagine la tête des non connaisseurs quand ils iront chercher des explications sur le net !