Homme honnête, Iman est désigné enquêteur au service des tribunaux révolutionnaires de Téhéran. Une promotion qui devrait réjouir son épouse et ses deux filles. Mais au-dehors, suite à la mort de Mahsa Amini, arrêtée par la police pour un port du voile jugé inadéquat, des émeutes enflamment la capitale.
Ce nouveau poste, c’est l’assurance d’obtenir enfin le quatre pièces attendu, le lave-vaisselle désiré, et quelques échelons gravis sur l’échelle sociale. Mais c’est aussi la contrainte d’apposer sa signature sur des centaines de mandats signifiant l’exécution sommaire de militants arrêtés.
L’intelligence de Rasoulof est de mêler l’histoire contemporaine de tout un pays et ses conséquences directes sur un noyau familial représentatif. Dans une des scènes les plus parlantes, il oppose les images des violences policières aux discours dirigés de la télévision d’Etat. Pour une fois, ce sont les réseaux sociaux qui s’octroient la vérité. Personnage pivot, Najmeh, la mère, se déchire entre la révolte de plus en plus consciente de ses enfants et la fidélité qu’elle voue à son mari. Corrompu par sa fonction, l’homme intègre s’enferme dans le mutisme, la paranoïa et la violence au point de faire subir à ses proches interrogatoire et enfermement arbitraires.
Dans les conditions clandestines qui s’imposèrent au tournage, l’on pouvait craindre un film tourné à l’arrache, trouble et vacillant. Il n’en est rien. Le huis clos de l’appartement nous offre des scènes d’une beauté rare, comme le soin apporté par une épouse au visage de celui qu’elle aime ou ces billes de chevrotine qui jettent leur sang sur la blancheur immaculée d’un lavabo de salle de bains. Certes longue, l’œuvre parvient néanmoins à nous retenir par la surprise, déviant du drame documenté et intime, vers le thriller avec courses-poursuites et éléments horrifiques lorsque le bourreau chasse ses proies. En Iran, le labyrinthe enneigé de l’Overlook Hotel est remplacé par une ville troglodyte abandonnée.
Condamné à l’exil, comme certaines de ses actrices, le cinéaste signe au nez et à la barbe des mollahs, un témoignage d’une actualité saisissante. Son titre évoque le figuier, arbre sacré dont les graines colonisent puis étouffe une plante hôte pour se déployer. Si l’on veut se montrer optimiste, il convient d’y voir un symbole d’espoir. Sur mes cahiers d’écolier, devant ou derrière ma caméra, j’écris ton nom. Je suis né pour te connaître, pour te nommer, Liberté.
(8/10)
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