Dans la série des occasions de revenir sur les films de genre, anciens et sublimes, voici un film qui combine le film noir, le film d'intrigue, les distributions prestigieuses et les dialogues ciselés (de Michel Audiard).
Avec Jean Dessailly, dont c'est l'emploi (pour paraphraser Louis Jouvet) d'être le jeune premier amoureux, le tragédien, l'éternelle victime dramatique de son honnête entêtement, jouet de sa propre bravoure ;
Jean Gabin en patriarche, pris à son propre stratagème ;
Bernard Blier en amant débauché et fidèle serviteur ;
Pierre Brasseur, dont la présence le ferait frère de Sacha Guitry, libre, et qui n'hésite pas à répondre "j'ai su garder mon teint de jeune fille, c'est l'secret de la réussite" ;
Un mot pour une image d'un autre temps qui a l'époque dû faire jaser, Nadine Tallier, dans le rôle de Sylvaine, où tous seins dehors (ou presque), brave la bien-pensance de l'époque, avant de devenir, à contre-emploi cette fois, dans la vraie vie, son porte-parole.
Quelques citations truculentes et judicieuses :
Parlant de cette Sylvaine, dont l'imprésario souligne, au sujet de sa protégée invitée aux enterrements, comme on invite au cinéma, que "(...) nous ne ferions plus l'amour qu'entre Bagneux et le Père-Lachaise" ;
Et plaidoyer, mis dans la bouche d'une bigote et énumérant les péchés de la fille de famille et par là évoquant le droit à l'avortement, bien que pour de mauvaises raisons : "quelle différence entre refuser un enfant au moment où on doit l'concevoir, et le refuser six semaines plus tard ! Elle commettra un péché de plus... Voilà tout ! Quand on est dans une série..." (même si ça ne mène à rien qu'une mésalliance, il fallait le faire dire en 1958) ;
"Décidément la bêtise est un placement d'père de famille. Inutile d'acheter d'l'or quand on a du Maublanc", dit Noël alias Jean Gabin.
A vouloir jouer au Chef, au donneur de leçon, Shoudler, l'Epaule (à une lettre intervertie près), tombe.
Et c'est sur le dernier dialogue du film que je termine mon encouragement à voir ou/et revoir ce grand film de Denys de la Patellière, dialogue sur les fondements de la fidélité :
"- Je vous devais tout
- c'est bien c'qu' j'craignais"
Bonne séance !!!