James McKay,officier de marine,quitte Baltimore pour rejoindre sa fiancée Pat Terrill qui habite le ranch cossu de son père dans le Far Far West,un coin paumé au milieu de l'immensité des plaines.Ce type élégant,cultivé et éduqué va avoir du mal à s'acclimater aux rudes moeurs de la région.Sans cesse agressé,provoqué,humilié et méprisé,il refuse de riposter car il est pacifiste et non-violent,ce qui tombe mal vu que son futur beau-père est en plein conflit avec le propriétaire voisin Rufus Hannassey.Le grand William Wyler n'est pas un spécialiste du western mais il s'en sort plutôt bien grâce à son métier consommé.Le film est très beau visuellement,Technicolor et Technirama,et la mise en scène du cinéaste,également coproducteur du film avec sa vedette Gregory Peck et United Artists,rend efficacement justice aux superbes paysages cadrant idéalement avec le titre.De grands espaces effectivement,et des décors à tomber dont Wyler tire des plans magistraux.Franz F. Planer contribue à cette esthétique de qualité par sa magnifique photo.Il faut dire que le gars n'est pas un amateur et a durant sa longue carrière été chef-op sur,entre autres,"Vacances Romaines" en 53,déjà un Wyler-Peck,"Ouragan sur le Caine","20 000 lieues sous les mers","Le vent de la plaine" ou "Diamants sur canapé".On n'a pas lésiné sur les détails puisque le générique et l'affiche sont l'oeuvre du célèbre Saul Bass.On trouve parmi les scénaristes l'excellent James R. Webb,un habitué de l'Ouest lointain qui a notamment rédigé les scripts de "Bronco Apache","Vera Cruz", ou "Les Cheyennes" de Ford mais a aussi visité d'autres genres comme avec le thriller "Les nerfs à vif".Il adapte ici un roman de Donald Hamilton,qui n'est autre que l'auteur de la série des "Matt Helm".Si Wyler fait valoir son sens de la dramaturgie tragique,il se prend un peu les pieds dans le tapis déroulé à l'infini de son histoire.2 heures 45,c'est trop long pour ce que ça a à raconter,du coup on délaye au maximum les séquences et on frôle souvent l'ennui car il ne se passe généralement pas grand-chose.Si on ajoute à ça un montage parallèle à la chronologie hasardeuse,on finit par obtenir un bel objet filmique académique et pesant.D'autant qu'il s'agit là d'une sorte d'anti-western.Le genre repose d'habitude sur la violence,les agressions,la vengeance et les règlements de comptes,alors que là on a un héros qui esquive constamment les affrontements et passe son temps à faire la morale à tout le monde.C'est un genre de Monsieur Parfait,un bisounours prétendant régler en quelques jours des conflits ancestraux dans un environnement dont il ignore tout.Mais comme c'est un gros film moraliste il va plus ou moins parvenir à ses fins,moyennant un peu de casse quand même.Certes la violence c'est pas bien,mais cette démonstration de prêchi-prêcha pacifiste est carrément lourde à digérer et gâche une histoire qui s'annonçait prometteuse.Globalement,les auteurs nous fourguent un truc tirant en longueur pour lequel on n'était pas venus.Non seulement le mec est agaçant mais en plus il est incarné par Gregory Peck qui,nonobstant son statut de star,est un bien mauvais comédien.Raide et grimacier,il ne donne guère de substance à son gandin psychorigide.Sa fiancée a les traits de Carroll Baker,qu'il retrouvera en 62 pour "La conquête de l'Ouest",où ils n'ont pas de scènes communes.La jolie blonde n'est pas au mieux de sa forme et peine à rendre crédible son personnage braillard et capricieux d'héritière excitée.Jean Simmons,la belle brune de "Un si doux visage",fait preuve de justesse et de sobriété en institutrice prise entre deux feux.L'arme fatale du casting c'est Charlton Heston,dont le rôle est hélas secondaire.Il est le contremaître et quasiment le fils adoptif du vieux Merrill.Amoureux de Pat,il déteste d'emblée McKay qui,outre qu'il lui ait soufflé la fille,représente tout ce qu'il déteste,car lui est un bouseux à l'ancienne,pétri de virilisme et persuadé que la violence résout tout.C'est un personnage qui va évoluer et vaciller au fil du film,et Heston impose une carrure et un charisme scotchants,on ne voit que lui quand il est à l'écran.Ca n'a pas échappé à Wyler ,qui le retrouvera l'année suivante et lui confiera cette fois la vedette d'un film mythique,rien de moins que "Ben-Hur".Le gros Burl Ives est très bon en patriarche opposé aux Merrill,tandis que Charles Bickford manque singulièrement de présence dans le rôle de son rival.Leur combat a des relents de lutte des classes,les pauvres Hannassey contre les riches Merrill,mais le scénario les renvoie dos à dos avant de les mettre face à face.Tous deux auraient à la fois raison et tort,le puissant voulant écraser un adversaire qu'il méprise totalement,ce qui ne semble pas complètement injustifié car les Hannassey forment un ramassis de crapules dégénérées.Ils ont à leur tête Buck,le fils aîné de Rufus,qui synthétise toute la saloperie du monde.Agressif,lâche,veule,stupide et vantard,il bénéficie de la fantastique interprétation de Chuck Connors,un des meilleurs méchants du ciné hollywoodien d'autrefois.Le maillon faible est Alfonso Bedoya,insupportable en employé mexicain ultra caricatural.Gentil,souriant perpétuellement,il devient vite le grand copain de McKay,une sorte de lèche-boule crétin mais dévoué.Et le cheval Turbulent est formidable,un des meilleurs acteurs du film,grâce soit rendue aux dresseurs.Notons d'ailleurs que dans les séquences de rodéo on distingue clairement à la façon de cadrer le cavalier que Peck est doublé.