Dans quelle France vivons-nous ? Et qui sont les gens qui peuplent ce territoire complexe et protéiforme ? A ces questions essentielles et restant pourtant lettre morte dans le cinéma français, le journaliste, scénariste, photographe et réalisateur Raymond Depardon a tenté d’y répondre. De la plus simple et belle des manières.
On ne peut faire plus dépouillé. Une caméra posée dans une caravane, fixant une table où deux personnes peuvent converser. Charleville-Mézières, Nice, Sète, Cherbourg, le cinéaste est allé aux quatre coins de la France pour donner la parole, dans une liberté totale, aux habitants. Les interpellant dans la rue ou à une terrasse de café, Depardon les invite à poursuivre leur conversation dans sa caravane. Le résultat est tout simplement édifiant.
Ce n’est pas un mais deux cadres qui composent les images des Habitants. Celui au premier plan, où l’on voit un père et son fils, un mari et sa femme ou deux potes en train d’échanger. Puis le paysage qui transparait par la fenêtre, en arrière-plan du tête à tête improvisé. Le privé et le public se mélangent alors pour former un tableau composite, aux significations multiples.
La solitude (des parents se sentant inutiles après le départ de leurs enfants / d’un veuf encore en plein deuil) est ce qui transparait peut-être le plus de l’analyse sociologique du photographe. Mais au-delà de leurs propos, aussi fondamentaux qu’anodins, le génie de l’œuvre vient du fait que ces gens sont conscients d’être filmés. Par ce procédé, cela ne les empêche pas d’être dans le lâcher prise le plus total.
Malgré cela, le spectateur ne se sentira pas voyeur comme il pourrait éprouver un malin plaisir à regarder une émission de télé réalité. Il sentira au contraire que la plupart des Français s’interrogent sur les mêmes débats et subissent les mêmes inquiétudes. Hétérogènes, et pourtant unis.
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