L'Anatolie est une région qui ne connait pratiquement que deux saisons : l'été et l'hiver. Et c'est pendant la seconde période, dans des paysages somptueusement enneigés, que se déroule principalement Les herbes sèches de Nuri Bilge Ceylan, un nouvel opus majestueux, qui ressemble à ce que le cinéaste a fait dans le passé, mais avec des nuances inédites. D'une durée conforme aux standards du réalisateur, Les herbes sèches ne distille aucun ennui, entre ses dialogues pourtant copieux et de temps à autre hautement philosophiques et ses images magnifiques, parfois figées telles des photographies. Disons, mais c'est personnel, que le film pourrait atteindre au statut de chef d’œuvre, avec un peu moins de conversations et davantage d'extase visuelle. Le personnage principal ressemble à un "héros" de roman russe, dans son imperfection, ses doutes et son pessimisme. Il est question de quel sens donner à sa vie, de la nécessité ou pas de s'engager et, un peu en contrebande, d'une critique à peine voilée du régime qui règne sur la Turquie. Ceylan peut se faire prosaïque et cru, quand il fait parler ses professeurs qui enseignent dans un village perdu, mais aussi ambigu, avec une élève dont on ne sait si elle est ange et démon. Une fois l'été réapparu, comme une renaissance, tous les tourments et errements passés feront sens et éclaireront d'une lumière nouvelle cette région, qui ne connait que deux saisons.