Un film dur, haletant, noir …
Un des films de Scorsese que j'apprécie le plus qui renoue avec une certaine atmosphère rencontrée dans "Taxi Driver".
Rien à voir avec ce dernier (quoique). Ici, deux jeunes flics sont, après l'obtention de leur diplôme, incorporés dans la police de Boston et suivent des destins différents. L'un, Billy Costigan sera infiltré auprès d'un caïd local, Costello et est en situation très risquée et précaire. L'autre, Colin Sullivan, sera une taupe dans la police d'État au profit du même Costello et aura, a priori, une existence plus normale. Que ce soit Costello ou la police, des soupçons naissent sur la présence d'un flic infiltré chez l'un ou une taupe chez l'autre. Le film consistera pour l'un comme pour l'autre de parvenir à déterminer qui du traitre et qui de la taupe.
L'histoire n'est pas si classique et le scénario est très bien monté. D'autant que les personnages sont loin d'être clean et monolithiques. Par exemple, le fameux Costello joue plusieurs jeux dont celui d'informateur du FBI. Et l'unité spéciale de la police a un côté opaque s'autorisant certaines libertés.
Pas de complaisance, ici, un chat est appelé un chat. Le gangster Costello est une ordure sans pareille. Même quand il fait preuve de gentillesse (ça lui arrive), c'est toujours sur un fond de grande violence. Ah, on n'est pas chez Coppola avec un parrain qui présente bien ! Normal, c'est les gangsters de Boston, pas de New York. Euh, non, là, je déconne ...
Le cinéma de Scorsese n'est pas réputé faire dans la dentelle et là, on est servi question violence qu'on trouve à tous les niveaux que ce soit au niveau de l'affrontement psychologique entre individus, de la violence physique et des dialogues d'une grande vulgarité. C'est une habitude chez Scorsese, il n'y a pas de phrase sans le mot "fuck" au moins trois fois. Au début, dans le développement de l'idée et pour conclure la phrase (en général, courte).
Pour avoir vu très récemment le film sur le loup de Wall Street (auquel j'ai moyennement adhéré) sur le milieu des traders, la même vulgarité et la même violence s'exercent mais on comprend que les enjeux de fric sont tels qu'on peut se dire, pourquoi pas ! Attention, je n'excuse pas même si je me dis qu'il y a des enjeux "palpables" qui deviennent une raison de vivre pour de minables vendeurs (traders) pour accéder à un paradis (parfois artificiel) plutôt que de bosser chez MacDo ou chez Darty.
La réflexion que je me fais sur "les infiltrés", comme j'avais eu sur "Taxi Driver" et d'autres films, me conduit à m'interroger sur le ressort qui fait fonctionner les gens. En particulier, le flic infiltré. Non seulement, il risque gros voire très gros, mais son identité officielle qui le rattache au monde normal est presqu'effacée pour détourner tout soupçon. Autant dire qu'il est un mort en sursis. L'amour de l'ordre, le respect de la loi ? Certainement pas l'argent ni l'espoir du confort d'une vie bourgeoise …
La distribution du film est complètement couverte par la prestation de Jack Nicholson dans le rôle machiavélique et paranoïaque de Costello. Le personnage et le jeu de l'acteur tirent l'ensemble du film à lui. Ses mimiques quand il grimace le faciès d'un rat sont géniales ! Toutes ses interventions sont magistrales. De l'interrogation gentillette et pleine de perversité à la petite serveuse au début, à l'interrogatoire musclé de Billy en passant par ses relations occultes avec les flics et même le jeu avec les curés. Il est parfait dans son personnage incarnant le Mal.
Et nos deux infiltrés interprétés par Di Caprio dans le personnage du flic infiltré et par Matt Damon dans le personnage de la taupe chez les flics. Le premier dégage une empathie formidable pour les raisons que j'évoquais plus haut. Le risque et l'absence de compensation. Le geste presque gratuit. Di Caprio la joue sobrement dans son rôle de flic intègre malgré tout. Scorsese lui fait mériter toute notre sympathie. Le second, Matt Damon, est excellent dans un rôle lisse et "propre" mais évidemment le capital sympathie s'effrite très, très vite …
Plusieurs autres rôles sont notables comme celui du tandem du département des affaires spéciales avec Martin Sheen et surtout le caractériel Mark Wahlberg
Spoiler : qui aura le dernier mot.
La musique avec quelques morceaux des Stones ou d'un groupe de rock chantant "I'm shipping up to Boston". Il y a même quelques morceaux d'opéra qu'écoute religieusement cette crapule de Nicholson renvoyant presque à la fameuse scène de De Niro dans "les incorruptibles" laissant couler une petite larmichette devant le castrat. J'adore.
Pour conclure, c'est un film accrocheur, plein de fureur … Finalement, je reprends mon intro :
Un film dur, haletant, noir …