Après une ouverture sur un écran noir, une voix d'enfant chante une contine étrange, fondu enchainé sur le logo de la maison de production, l'envoûtement a déjà commencé...
Jusqu'à sa dernière image, montrant deux mains liées dans une union aux accents baroques, ce film est une invitation au mystère. La suggestion y est moins une ellipse que dans le splendide La Maison Du Diable de Robert Wise, film auquel Les Innocents est directement affilié de par ses partie-pris visuels et ce noir et blanc aux tons admirables. Photographié par l'excellent chef opérateur d'Elephant Man et réalisateur pour la Hammer, Freddie Francis himself.
Ici, on y voit les fantômes comme s'ils étaient la matérialisation de notre propre conception, le personnage de la gouvernante, interprétée par l'admirable Deborah Kerr étant le témoin de ces apparitions, notre œil. Mais l’œil est trompeur ou il se trompe.
Comme dans la plupart des grands films de peur, la référence à l'enfance est de circonstance, il faut toucher à l'innocence afin de s'extraire de tout jugement moral, il faut que les chances soient inégales. Mais ces enfants là sont-ils innocents ?
De cette contine aux accents lugubres, procédé que reprendront des cinéastes comme Dario Argento dans Les Frissons De L'Angoisse ou Roman Polanski dans Rosemary's Baby, à ce sourire compatissant de la petite fille lorsqu'elle regarde dans le jardin de la fenêtre de sa chambre, à cette larme échouée sur une table comme preuve de la présence d'une femme peu de temps avant sous les traits d'un spectre, ce sont ces détails qui font la puissance de cette œuvre remarquable. On y établi l'innocence comme un trompe-l’œil.
Ajoutés à celà un grand soin apporté à l'esthétisme, des fondus enchainés toujours évidents et un sens de la mise en abîme touchant à l'excellence, et l'on peut dire que l'on détient là un chef d’œuvre du genre.
Tous les films de pétoche devrait être fabriqués comme celui-ci.