Alors, je vais m'amuser à encore pinailler sur les titres qu'ils soient le titre original ou celui, attribué par les distributeurs français.
"Defiance", qu'on serait tenté de confondre avec le faux-ami français, signifie en anglais "défi". Effectivement, il s'agit bien dans le film d'un défi de la part des frères Bielski de vouloir échapper à l'extermination programmée d'une race, communément considérée comme soumise ou incapable de se défendre.
Par contre, il ne s'agit pas de "défiance" (qui se traduit par "mistrust") qui pourrait nous entraîner sur une fausse piste, d'autant plus qu'il naîtra, effectivement, une part de défiance de la part d'un des frères Bielski (Tuvia) à l'égard d'un autre (Zus).
Les "insurgés" est un mot qui ne me semble pas tout-à-fait convenir pour ce film car il ne s'agit pas vraiment d'une révolte ou d'une insurrection dans la mesure où, dans un premier temps, on est dans un épisode dramatique de pure survie.
Le film raconte l'histoire de ces quatre frères Bielski qui réussirent à entrainer quelques centaines de juifs de villes polonaises ou biélorusses dans la forêt pendant quelques années et à les sauver du massacre. À la fin de la guerre, on considère que 1200 personnes furent ainsi sauvées.
Mais l'aspect historique s'arrête là pour Zwick qui va bâtir un passionnant film sur la base de références bibliques prises dans l'Exode. Ainsi, nous ne sommes pas dans le désert du Sinaï mais dans une forêt tout aussi hostile en matière d'approvisionnement pour nourrir les fuyards. La grande attaque des nazis doit se dérouler le jour de la pâque juive et les gens qui se sont installés dans la forêt doivent fuir et se trouvent devant des eaux (marécageuses) infranchissables. Ici, il n'y aura pas de partage des eaux mais la volonté de fer d'un des frères pour lancer toute la population dans une périlleuse traversée… Et je ne vais pas détailler toutes les similitudes qu'il y a entre Bible et film. Cependant, arrêtons nous sur le découragement de Moïse … qu'on reconnait dans l'attitude contrastée de Tuvia Bielski qui perd espoir (la foi, pour Moïse) face à Asael Bielski (Josué !) qui trouve le ressort ultime d'entrainer le peuple juif et le sauver …
Tiens, par exemple, la sacro-sainte indiscipline du peuple hébreu qui trouve toujours le moyen ou l'occasion de discuter les ordres ou de râler. Dans la Bible, il s'agit de la faim et de la perte de la foi en un certain Dieu au profit d'autres Dieux qui conduisent à la discorde puis à une reprise en main violente de la part de Moïse. Chez Zwick, l'affaire prend plutôt un tour plus politique ou individualiste sur la légitimité du pouvoir tenu par les frères Bielski, sur le bienfondé de certains ordres ou certaines exigences ou certains principes. Et la bagarre entre Tuvia et Zus ne fera que fragiliser l'autorité admise de facto et aiguiser les appétits de la discorde, des profiteurs.
D'un point de vue mise en scène, j'ai trouvé des épisodes très forts en termes de signification comme la scène de mariage alors que se déroule en arrière-plan une bataille entre juifs et nazis. L'alliance de la violence et de la paix, la présence simultanée de l'amour et de la mort.
Et tout ceci se retrouve dans les personnages joués par les acteurs. Craig présente un personnage composite où la violence se conjugue avec une certaine humanité. Ou plutôt que l'humanisme ne peut s'exercer que si de temps à autre, il faille mettre le poing sur la table … C'est un vrai chef tandis que son frère Zus n'est qu'un combattant.
J'ai beaucoup apprécié les personnages féminins qui apportent leur touche d'empathie et la nécessaire huile pour faire tourner les rouages de la communauté. Avec les épisodes du mariage et de la naissance, elles apportent l'indispensable espoir d'une communauté qui ne peut se développer et survivre qu'à travers l'amour.
D'un point de vue mise en scène, je pense que certaines incohérences (l'incongru poêle à bois au milieu de la forêt, les cabanes de rondins vachement chiadées avec des fenêtres, etc …) auraient pu être évitées car nuisent, quand même, à la crédibilité surtout quand on revoit, comme moi, le film et qu'on s'attache un peu plus aux détails.
On va dire que ce sont les travers hollywoodien ou américain qui ne peuvent s'empêcher de ressortir. Mais ça n'a pas beaucoup d' importance par rapport au sens profond de ce film.