Au début des années 50, Henri Decoin tourne énormément, parfois deux films dans la même année, et il arrive que la qualité s'en ressente, comme dans "Les intrigantes", qui ne fait clairement pas partie de ses plus belles réussites.
Transposition ciné d'un roman de Jacques Robert, un auteur très souvent adapté ("Marie-octobre" notamment), "Les intrigantes" mêle plus ou moins adroitement drame sentimental, intrigue policière et portrait de femme, c'est-à-dire des ingrédients représentatifs du cinéma de Decoin.
Surtout, le film s'attache à montrer le quotidien d'un théâtre parisien, au cours des préparatifs d'une pièce contemporaine plutôt ringarde, avec un regard satirique et un ton souvent humoristique.
C'est sans doute la meilleure part des "Intrigantes", mais le trait s'avère épais et la caricature un peu grossière, surtout par rapport à la tonalité générale.
C'est au moins l'occasion de découvrir un Louis de Funès encore chevelu incarner un auteur cabot et susceptible, et un Jacques Charon grimé en Pan jouer les grandes folles.
Problème, si les nombreux personnages secondaires pittoresques apportent une plus-value réjouissante (Robert Hirsch, Paul Demange, Marcel André…), les premiers rôles tenus par Raymond Rouleau et Etchika Choureau ne sont pas à la hauteur : cette dernière aura fini par m'agacer dans ses excès de femme-enfant amoureuse au dernier degré, tandis que le premier nommé n'a pas l'envergure ni l'ambigüité requise pour ce type de personnage.
Reste heureusement Jeanne Moreau, comme toujours impeccable, et dans une moindre mesure Raymond Pellegrin, qu'une simple paire de lunettes teintées parvient à rendre inquiétant.
On assiste donc à un divertissement d'époque qui se laisse regarder, mais qui s'oubliera très vite, pénalisé par une interprétation inégale et par la faiblesse de la trame policière, conclue par un deus ex machina des familles, et à moitié spoilée en prime par le titre du film.