Les Invasions barbares par The_Dude
Dix-sept ans après le début de la décadence, les invasions barbares ont commencés. Le 11 septembre 2001, l'Empire vient de perdre la bataille d'Andrinople. Alors que les jeunes historiens d'un monde à l'agonie ne peuvent s'empêcher de faire un parallélisme avec le destin de l'Empire romain d'occident (reste à se demander qui est l'Empire d'Orient, ciel mais où est Byzance ?). Car l'Empire est à l'hôpital, en phase terminale et sans urgences pour le réanimer, pas les moyens ; à l'instar Rémy, trublion sexuel de son état, forniqueur devant l'éternel, le décadent est à l'hôpital, lui aussi, et ses enfants (toute leur génération), acculturés et éparpillés dans le monde les uns jeunes cadres bossant comme des loups, les autres prenant le large, vers une forme de liberté semi aventureuse et enfin les autres, paumés, ne sachant que faire, déchirés et pour certains, junkies, ou tout simplement vulgaires et sans repères culturels autre que le dernier magazine people.
Poursuivant sa critique de notre civilisation, Arcand dresse le tableau pessimiste que préfigurait déjà "Le déclin de l'Empire américain". Entre jeunes loups, devenus qui matérialistes, cyniques ou réalistes ; reliquats d'un ancien monde errant au milieu d'objets ayant perdu toute valeur (cf le prêtre) ; ultimes détenteurs de l'espoir (la religieuse) ; inertie d'une administration tatillonne pour ne pas dire byzantine ; corporatisme suranné et toute façons vendu et flics désabusés, il n'y à plus la place pour un quelconque espoir ou pour aimer (tant dans ses acceptions d'aimer que d'apprécier), pilier fondamental de tout selon certains, du moins à court ou moyen terme et s'il y en a un, le bout du tunnel est bel et bien à plusieurs générations de là.
Dans l'Empire en vacillant, tout marche au fric, au pognon, à l'oseille, comme avant somme toute, sauf que cela s'est généralisé, à tous les échelons, et cela dans un contexte de raréfaction de l'argent public ou plutôt de sa réaffectation selon une autre grille d'analyse valorielle. Restitution d'un objet volé retrouvé par les autorités compétentes, exercice pur et simple d'une fonction qui aurait déjà du l'être, ou encore démonstration apparente de respect, tout s'achète, malgré les scrupules de certains.
Toujours aussi délicieusement intello, Arcand ne se prive pas de culture et des dialogues qui auront fait aimer (ou détester) "Le déclin de l'Empire américain", le précédent opus de la tryptique réalisée par ce dernier. Ici toujours pas d'action, les dialogues priment toujours, et sont la force motrice d'une fresque qui, tout en demeurant drôle, devient de plus en plus inquiétante, de plus en plus proche et de plus en plus cynique, car l'on ne sait comment arrêter les forces qui sont à l'œuvre, que l'on a partiellement mises en mouvement, ou qui sont le fait de la bonne vieille entropie...
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