Pour sa seconde réalisation, Alan Rickman propose une vision très anglaise du règne de Louis XIV et de la création des jardins de Versailles. Délicieusement anachronique et amplement romancé, le film relate l’histoire de Sabine de Barra, personnage fictif, qui est engagée par Le Nôtre pour réaliser le bosquet des Rocailles. Petit à petit, une idylle se noue entre ces deux jardiniers, plus à l’aise avec les plantes qu’avec leurs semblables. Kate Winslet, solaire, est parfaite dans le rôle de cette femme en avance sur son temps, veuve, roturière, indépendante, qui fait un « métier d’homme » et qui ne se laisse pas impressionner par les grands de ce monde. Face à elle, pour lui donner la réplique, Matthias Shoenaerts campe un Le Nôtre tout en retenue et confirme qu’il est définitivement un acteur à suivre. Tous deux évoluent sous le regard attentif et bienveillant d’Alan Rickman qui joue un Louis XIV distant mais très humain, assez éloigné de l’image qui est habituellement donnée du Roi Soleil.
Il est vrai que l’atmosphère des Jardins du Roi évoque davantage les romans de Jane Austen que la Cour du Roi Soleil, tant par l’accent mis sur la nature et l’art du jardinage (une grande passion anglaise) que par la représentation des individus et leurs rapports très policés. La Cour, qui réside encore au Louvre en attendant que la construction de Versailles soit terminée, apparaît constituée d’un nombre restreint d’individus. Le roi est montré d’abord comme un bon père de famille, entouré de ses enfants et de sa femme, puis en homme touché par la mort de cette dernière, et en amoureux des fleurs. Les intrigues de Cour, où les liaisons amoureuses deviennent des enjeux de pouvoir, ne sont guère évoquées. Bien au contraire, à l’instar des héros de Jane Austen, les personnages évoluent dans un microcosme où la bonhomie semble l’emporter sur le machiavélisme, rappelant davantage la bonne société anglaise du début du XIXe siècle que l’aristocratie française du XVIIe. On retrouve d’ailleurs dans la distribution des acteurs qui se sont illustrés dans des adaptations des œuvres de la romancière britannique, à commencer par Kate Winslet et Alan Rickman qui ont joué pour la première fois ensemble dans Raison et Sentiments (Ang Lee, 1995). On reconnaîtra dans le rôle de la Montespan Jennifer Ehle qui interprétait Elizabeth Bennet dans la mini-série Orgueil et Préjugés (BBC, 1995) où elle donnait la réplique à Colin Firth. Quant au duc de Lauzun, il s’agit bien sûr de Rupert Penry-Jones, mieux connu chez nous pour son rôle-titre dans la série Whitechapel, et qui tenait le rôle principal dans le téléfilm Persuasion (BBC, 2007), autre adaptation d’un roman de Jane Austen.
On pourra noter également quelques entorses à la réalité historique. Ainsi Le Nôtre est présenté comme un homme relativement jeune alors qu’à l’époque de l’élaboration des jardins de Versailles, il était déjà un vieillard, tandis que Louis XIV était plus jeune que lui. Pour autant, ce détail n’enlève rien au charme du film.
De plus, on s’amusera d’assister, après les scènes d’ouverture, à une session d’entretiens de recrutement organisés par Le Nôtre pour trouver celui (ou celle) qui réalisera le bosquet des Rocailles.
Il est par ailleurs remarquable que dans un métrage consacré à la création des jardins de Versailles, summum de l’art du jardin à la française, fait d’ordre et de géométrie, l’intrigue se focalise finalement sur un personnage plutôt adepte d’un type de jardin obéissant bien plus aux principes du jardin à l’anglaise, développé à partir du XVIIIe siècle. Mais peut-être s’agit-il, à travers l’idylle entre l’héroïne et Le Nôtre, de réconcilier ces deux idéaux du jardin.
Bien interprété, développant une histoire simple mais prenante, Les Jardins du Roi est un très bon film en costumes qui mérite d’être vu, ne serait-ce que pour la prestation des acteurs et par amour du jardinage.