Une mise en scène fastueuse, et c'est presque tout. Si le film de Frears reste dans les grandes lignes fidèle à l'intrigue de Laclos, il en saborde les subtilités, deux heures de cinéma ne pouvant pas restranscrire fidèlement une dizaine d'heures de lecture.La tension romanesque n'est plus présente; la religion, de l'ordre du décorum, fait de Tourvel dès le départ une femme facile. De même, l'amour, toujours difficile à mettre en scène, est ici sans consistance, Valmont passant des bras d'une femme à une autre en gardant l'oeil froid et l'air inflexible, ce qui, plutôt que de lui donner un rôle de parfait salaud jouisseur, fait de lui un homme qui ne sait pas ce qu'il veut et qui dès le départ erre. Surtout, Merteuil n'est plus du tout un monstre, elle n'a rien d'inflexible. Le clou du spectacle, ce sont ses larmes finales au moment du démaquillage, mise à nu d'un film qui sonne creux. La portée mythique des libertins est gachée par la mise à l'écran, et je considère inéluctable cet échec, tant le roman est propice à la mythification par l'imagination, qu'ici le cinéma bouche.
En définitive, la tension du roman n'est plus présente, l'écartèlement entre vice et vertu s'efface, pour nous laisser quelques beaux décors et une musique agréable quoique étrangement couplée à l'intrigue: le clavecin d'une musique baroque donne de la légèreté et par là même enlève le caractère tragique de cette épopée.
Le temps, paradoxalement, ne m'a pas paru long, puisque j'ai eu la joie de reconnaitre au fur et à mesure les passages obligés du livre de Laclos. Ainsi, c'est bien comme modèle de ce qu'il ne faut pas faire que j'ai pu apprécier ces deux heures de visionnage. Si c'était la volonté d'égaler le livre, c'est raté. Si c'était un hommage, c'est réussi, très réussi... rien ne saurait lui arriver à la cheville.
Le cinéma s'incline face à la littérature, encore une fois.