Une belle découverte que ce petit film noir américain de Robert Siodmak tourné en 1944.

Le scénario rappelle un peu celui du film "Pièges" tourné en 1939 pendant son séjour en France, une fois qu'il a eu fui l'Allemagne nazie.

"Phantom Lady" raconte l'histoire d'un ingénieur qui est injustement accusé d'avoir étranglé sa femme. Le sort d'acharne sur lui puisque tous les témoins susceptibles de l'innocenter semblent curieusement atteints d'amnésie et refusent de le reconnaître. Seule, sa secrétaire, Carol, secrètement amoureuse, prend sa défense et reprend l'enquête.

Dans ce film, tout se passe entre Siodmak et le spectateur : en effet, le spectateur comprend assez rapidement qui est coupable mais en même temps, il ne voit pas comment les choses vont pouvoir se dépatouiller. Il ne voit qu'une chose, c'est que le piège va inexorablement et petit à petit se refermer sur la jeune femme qui cherche à aider son patron. Siodmak installe un suspense sur un évènement tragique inévitable, complètement à l'insu de Carol. Et comme Carol est très sympathique et si dévouée, on ne peut que trembler pour elle qui ne fait rien pour éviter le piège. Au contraire, elle s'y précipite.

La mise en scène est très épurée. Pratiquement pas de musique. Lors d'une filature, par exemple, on ne voit que des jambes bouger et des bruits de pas, des visages fermés ou apeurés avec juste les bruits de la rue. Les actions sont suggérées un peu à la manière de ce cinéma allemand d'avant-guerre de Murnau ou de Fritz Lang qui est redoutablement efficace dans la suggestion et l'expression et non dans la démonstration. Les éclairages sont importants et les visages passent de l'ombre à la lumière et vice versa renforçant l'action ou l'angoisse. Les mains du coupable sont, évidemment, toujours violemment éclairées …

La dernière image du film est magnifique, rayonnante dans le silence avec la musique qui n'éclate qu'avec le mot fin. Je me suis repassé une dizaine de fois cette scène qui ressemble à un gag tellement elle est belle et en total décalage avec le reste du film.

Un point intéressant que souligne le commentateur Hervé Dumont dans le bonus du DVD auquel je n'avais pas prêté attention c'est que Siodmak habille le coupable (sans le dire, bien sûr) en "prototype du nazi" dans la mesure où l'homme en question s'estime supérieurement intelligent et surtout supérieur à la norme.

Le casting repose sur quelques acteurs dont Franchot Tone dans le rôle de l'ami de l'accusé mais surtout cette actrice que je ne connais pas du tout et dont c'est un de ses premiers films : Ella Raines qui est rayonnante quand elle sourit et qui est superbement menée par Siodmak.

Un petit bijou, vous disais-je, cette histoire de chapeau noir sur une dame fantôme.


JeanG55
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le 8 sept. 2022

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