Ancien assistant de Bertrand Tavernier, le réalisateur Laurent Heynemann se spécialise ensuite dans les films à portée politique ("La question", "Il faut tuer Birgit Haas", "Le mors aux dents"...).
Pour son cinquième long-métrage, "Les mois d'avril sont meurtriers", Heynemann renoue avec son ancien mentor pour adapter ensemble un roman noir du britannique Robin Cook.
Leur collaboration accouche d'un polar dépressif, dont le héros désabusé est incarné par Jean-Pierre Marielle, un flic solitaire aux allures de triste clergyman au comportement volontiers violent, qui débite des tirades aussi poétiques que désenchantées.
Autant dire que "Les mois d'avril sont meurtriers" avait sur le papier tout pour plaire, surtout aux yeux des amateurs de polars old school dans mon genre.
Pourtant, si le film est une réussite, celle-ci demeure hélas modeste et partielle, plombée par un scénario trop paresseux pour captiver véritablement.
Après la découverte d'un meurtre particulièrement sordide, le récit se limite en effet très vite à un face à face houleux entre Marielle et son suspect numéro 1, un ancien mercenaire courtois mais retors, joué par Jean-Pierre Bisson. Ce dernier imprime à son rôle une bonne dose de perversité et de duplicité, mais on a quand même du mal à croire à ce personnage très romanesque.
Heynemann et Tavernier tentent bien d'inclure quelques pistes narratives complémentaires, avec par exemple l'arc consacré à Brigitte Roüan, excellente en prostituée alcoolique, mais le film souffre d'une narration linéaire et sans surprise, autour de ce duel central dont on pressent assez vite le dénouement.
Heureusement, "Les mois d'avril…" jouit d'une certaine dimension politique, à l'image de cette nouvelle circulaire qui élargit considérablement les pouvoirs de la police, permettant en l'occurrence à Marielle de harceler son suspect à toute heure du jour et de la nuit.
Connaissant les tendances politiques des deux coscénaristes et le contexte d'époque (la France confrontée aux attentats terroristes), la critique du pouvoir en place apparaît transparente.
Malgré ses faiblesses scénaristiques et des dialogues qu'on aurait souhaité plus percutants, le film de Laurent Heynemann reste donc recommandable, notamment pour son univers froid - souligné par des décors dépouillés et une musique jazzy minimaliste signée Philippe Sarde - et pour son atmosphère sombre et pessimiste.