Regarder ce film signifiait pour moi découvrir le cinéma de Terrence Malick dont j'ai beaucoup entendu parler. Et c'est particulier ! Dans l'excellent sens du terme dans mon cas. Enfin, je pense que cette particularité fait qu'on peut peut-être aussi le détester. Cette particularité, ce qui m'a frappé, c'est que l'accent est mis sur le rendu visuel et sonore plus qu'un autre réalisateur (sans être incollable sur tous les réalisateurs). C'est un musée composé de plusieurs tableaux qu'il en est même difficile de le qualifier. Il peut se regarder sous plusieurs angles, tantôt poétique, tantôt biblique, tantôt tragique, tantôt social... Et c'est bon signe !
C'est l'histoire de 3 pauvres gens allant de petit boulot en petit boulot pour subvenir à leurs besoins. Le rude travail dans les champs ne leur fait pas peur même si ils en ont marre. Ces 3 personnes sont un couple, Bill et Abby, ainsi que la petite soeur d'Abby, Linda. On peut comparer leur mode de vie à celui des Joad dans "les raisins de la Colère" de Steinbeck.
Après avoir quitté Chicago, ils sont employés comme moissoneurs sur une exploitation du Texas. Sur place, Bill et Abby se font passer pour frères et soeurs. Sans le vouloir, Bill surprend une conversation entre un riche fermier et son médecin. Ce dernier lui annonce qu'il ne lui reste qu'un an à vivre. Le riche fermier essaie de séduire Abby et Bill lui conseille de céder à ses avances et de se marier avec lui. La raison est simple : après la mort du fermier, Bill et Abby récupéreront son argent et pourront mener une vie paisible et confortable... Rien ne se passera comme prévu, Abby tombe réellement amoureuse du fermier et le fermier s'aperçoit de plus en plus de la manigance.
La punition divine s'abat, comme une plaie des 10 plaies d'Egypte (ce n'est pas la seule allusion biblique du film). Je l'appelle maintenant "la plaie du Texas". Une invasion de sauterelles vient détruire la prochaine récolte sur l'exploitation du fermier. De là en découle le point culminant du film, visuellement marquant, mais pas que, du grand art dans la nuit au milieu des flammes qui se déchaînent
Ce grand drame des passions humaines se regarde à la manière dont on lit un recueil de poésie avec une mise en scène lyrique.
Je ne sais pas si j'ai déjà vu de plans plus beaux. L'environnement en est donc tout aussi si ce n'est plus important que les personnages. La nature est un personnage à part entière, que ce soit les champs de blés, le ciel ou les saisons. Les dialogues sont rares et l'image parle.
Les musiques de Morricone et "Aquarium" de Saint-Saëns viennent sublimer le tout.
C'est aussi une vraie tragédie Grecque. Le chemin qu'a suggéré Bill pour les siens ne pouvait avoir qu'une destination tragique malgré l'aspirtion au bien. Il aura des remords, mais trop tard. Les passions on fait leur travail de destruction. Le Film a aussi une dimension sociale puisque les conséquences de la misère sur les individus (prêts à faire des folies pour sortir de la pauvreté) et leurs conditions de vie et de travail sont bien évoquées.
En 1979, le film a obtenu l'Oscar de la meilleure photographie (et ça se comprend !) et le Prix du meilleur réalisateur au festival de Cannes (ça se comprend aussi). J'ai appris que Terrence Malick attendra ensuite vingt ans avant de refaire du cinéma (La Ligne rouge, 1998). Je ne devrais pas m'arrêter là dans sa filmographie.