Il est difficile de toucher du doigt à quoi tient le pouvoir de fascination qu’exerce « Les moissons du ciel » auprès du spectateur enclin à accepter le cinéma de Malick. « La balade sauvage », son précédent et premier film empruntait une forme de narration relativement classique tout en ajoutant une folie et une spontanéité très rafraîchissante et représentative du nouvel Hollywood.Cependant, c’est bien avec « Les moissons du ciel » que le cinéma de Malick tel qu’on le connaît aujourd’hui prend réellement forme.Le film se situe en plein cœur de la grande dépression des années 30 et met en scène le destin d’un couple se faisant passer pour frère et sœur, accompagné d’une jeune adolescente. Ces dernier quittent Chicago et ses quartiers pauvres pour trouver du travail sur la côte ouest, en offrant leurs services aux fermiers locaux durant la saison des moissons.Le récit est raconté à la première personne par la jeune adolescente dans une réalité post-diégétique et le film se structure autour de scènes disparates sans réelle transition et semblant n’avoir pour finalité que leur simple existence. Ce cinéma aéré et aérien témoigne d’un rapport assez unique de Malick envers l’Histoire. En effet, le cinéaste s’éloigne d’une représentation stricte des souffrances de l’époque pour en ressortir le poétique et, par voie de conséquence, le tragique. Un film unique dans sa manière de raconter énormément de choses tout en ayant l’air d’en raconter très peu.