Tim Burton, je suis fan de son oeuvre mais...sans avoir encore découvert l'ensemble de la filmographie du grand Monsieur. Burton est un réalisateur bien unique en son genre qui, année après année, a réussi à laisser une empreinte personnelle reconnaissable dans le paysage Hollywoodien. De Tim, j'ai eu un immense coup de coeur pour son "Big Fish"(2003), adaptation du roman "Big Fish: A Novel of Mythic Proportions" de Daniel Wallace, mélange de conte de fée onirique/initiatique et de Drame qui fut pour moi un enchantement de tous les instants doublé d'une rivière d'émotion ! Il y eu également le très bon "Edward aux mains d'argent" (1990) (mais que je n'ai pas encore pris soin de revoir pour me faire un avis noté définitif), puis le remake live d'Alice au pays des Merveilles de Disney (2010) avec lequel Burton avait réussi à rendre plus badasse et plus stylé le classique animé de 1951, "Miss Peregrine et les Enfants Particuliers" (2016) qui, entre "Narnia", "X-Men" et "Nanny McPhee" attestait une nouvelle fois la capacité du réalisateur à nous transporter physiquement dans des univers fantastiques-gothiques aussi fascinants que flippants, ou encore "Batman: le défi" (1992) qui, mélange intrigant entre film de Super Héros et Film Noir, démontrait également son talent pour la mise en scène de films d'action. Cependant, je n'avais jusque là jamais tenté "l'animation Burtonienne".
L'animation "pâte à modeler" en Stop motion est un genre d'animation qui ne m'a jamais vraiment donné envie....jusqu'à l'année dernière lorsque je découvrais l'excellent "Coraline" de Henry Selick (2009); une véritable claque esthétique, réitérée peu de temps après avec "Kubo et l'armure magique" de Travis Knight et son Japon féodal en papier !
Bien plus attentif et intéressé qu'avant, décidé à rattraper mon retard dans les classiques cultes, j'ai décidé de me lancer des "Les Noces Funèbres", qui, à vrai dire, me tentait depuis pas mal de temps !
"Les Noces Funèbres", "Corpse Bride" de son titre original, 12ème long métrage et deuxième film d'animation de Tim Burton sorti en 2005 après l'adaptation de "Charlie et la Chocolaterie", inspiré de la légende Russe: "La Mariée morte", nous emmène dans une aventure...mortelle (c'est le cas de le dire XD) au Royaume des morts ! L'Histoire prend place au XIXème siècle; Victor Van Dort et Victoria Everglot, tout deux de familles bourgeoises,doivent se marier. Malgré un mariage arrangé par leurs parents, les deux ont immédiatement le coup de foudre l'un pour l'autre. Mais les Everglot ne voient pas d'un bon oeil cette grande attitude maladroite de leur futur gringalet de gendre. Aussi, en récitant ses voeux dans la forêt à l'abri des regards, Victor, en pleine nuit, provoque par inadvertance le réveille d'Emily, le jolie cadavre d'une mariée. Cette dernière l'emmènera au royaume des morts ou Victor découvrira un monde aussi fascinant que bizarre. Là bas, le jeune garçon sera confronté à un dilemme: choisir entre la gaieté du royaume des Morts ou le monde terne des vivants ou l'attend la femme qu'il aime ? Mais ou est le véritable amour ? Dans quel monde ? Et si ce qu'il y a de plus repoussant était en fait ce qu'il y a de plus beau ?
Voilà pour le pitch global en limitant les gros spoilers.
Verdict : Un conte vraiment FASCINANT, du "Made in Burton" brillant à l'état brut !!!
"Le Beau est toujours Bizarre".... Non d'un asticot (!) jamais la philosophie symboliste de Baudelaire n'aura été aussi bien illustrée au cinéma !!
"Les Noces Funèbres" est un très très bon film d'animation, non, plus qu'un film d'animation, c'est même une véritable oeuvre d'Art d'Animation à part entière et sur tous les points !
Premièrement, le film est très TRES imprégné de la poésie macabre Baudelairienne.
A travers l'histoire du film, on pensera assez facilement aux poèmes de "Spleen et Idéal" tels "Une Charogne" dans lequel l'auteur des "Fleurs du Mal" faisait un éloge en lyrisme sur la beauté d'un cadavre en décomposition.
Le scénario est recherché, original, inventif, très bien trouvée. A partir d'une vieille légende du folklore Russe dans un registre proche de la tragédie Shakespearienne transposée sur grand écran, le réalisateur de "Beetlejuice" (1988) nous sort ici une histoire envoûtante qui déborde d'imagination. Animation-fantastique-horreur-drame-Romance, on a là un véritable élixir vraiment magique et, malgré une durée plutôt courte pourtant (seulement 1h17), l'intrigue ne blasphème pas les étapes du schéma narratif et le spectateur est littéralement happé, fasciné par ce merveilleux petit poème cadavérique (c'est intéressant car le film arrive à nous faire percevoir le temps différemment entre le monde des morts et celui des vivants) !!
Tim laisse totalement libre cours à son imagination dans un récit aux lointaines inspirations des spectacles de Fantasmagories de Robertson (1763-1837), auxquelles s'ajoutent des petites inspirations des premiers Walt Disney (on pensera à la scène horrifique de la Forêt dans "Blanche Neige", 1937). Avec "Les Noces Funèbres", Tim Burton en profite pour dépoussiérer le bon vieil Expressionnisme Allemand; tant sur le plan du récit que sur l'animation, LNF a tout d'un vieux film issue de ce courant précurseur du cinéma du genre Fantastique et d'Horreur des années 1930 (on pensera à tous les films du genre "Le Cabinet du Dr Caligari", 1920; le "Nosferatu" de Murnau en 1922, ou encore "Frankenstein" de J.Whale, 1931 ect) ! Il en est trait pour trait, os par os une version moderne !! Faire revenir à la vie la dépouille d'un courant cinématographique ancestral n'était pas chose aisé mais cette résurrection orchestrée par l'ami Tim a été un succès !
Le réalisateur est a tout moment conscient de son héritage; en bon élève, il en maîtrise le moindre code jusqu'au bout des os et arrive à nous établir ici un film d'horreur adapté au jeune public, sans le moindre élément effrayant !
On ressent énormément les influences de l'Expressionnisme Allemand que ce soit dans le visuel, ou chez les personnages.
L'animation est vraiment d'une qualité irréprochable ! Malgré l'écrasante concurrence de l'animation par ordinateur et des graphismes 3D aujourd'hui, "Les Noces Funèbres" bluffe par l'animation de ses personnages qui fait encore plus vrai que nature. En plus de très bien coller avec le style et le ton Halloween-gothique du film (la dimension de spectacle de marionnettes fait bien ressortir le caractère macabre), la Stop motion permet de vraiment très bien rendre compte du détail dans les textures des corps/objets et les environnements baignées de clairs obscures
Les personnages sont très très fun, la Romance
en triangle amoureux entre Victor/Emily/Victoria
est sans aucun doute l'une des plus belles et une des mieux écrite qu'on ait eu depuis longtemps, celle là dégage vraiment quelque chose, beaucoup plus d'émotion, à la fois tellement drôle et improbable mais par derrière tellement poignante et déchirante car emprisonnée dans le "Memento Mori", notion littéraire/picturale très présente aussi en arrière fond (la mort leur va si bien XD) mais sans tomber dans le pathétique trop facile.
Autre point important à prendre en compte et à analyser dans "Les Noces Funèbres", c'est la couleur, ici, la couleur a vraiment un but, une utilité et une signification dramatique qui peint les thématiques du film sur le rapport entre la vie et la mort.
Pertinemment, la couleur est utilisée ici pour faire s'interroger le spectateur. Nous avons le monde des vivants, la société bourgeoise tristement stérile en Noir et Blanc et de l'autre côté, le monde des Morts, gaie et coloré. La couleur est ici un moyen visuel de représenter l'évasion, le changement de monde. Comme on l'a eu dans "Le Magicien d'Oz" de Victor Fleming (1939) (un des premiers film a avoir utilisé le technicolor afin de servir le scénario au début de l'utilisation de la couleur dans l'histoire du Cinéma), le couleur dans le film de Burton sert non seulement à illustrer visuellement ce qui est de l'ordre de l'imaginaire/onirisme mais en plus, il y a un aspect critique, une satire du monde des vivants qui serait en fait...le "véritable" monde des morts, triste et sans âme alors qu'à l'inverse, le monde des morts serait un refuge, un monde libre. Et, lorsque dans la dernière séquence, les morts envahissent le monde des vivants du XIXème siècle, on pourrait interpréter leur peur comme une peur...de la couleur, la couleur qui leur est étrangère car à l'image,
absente de leurs moeurs et de leur modèle social.
Bon, pour finir (parce que j'ai déjà pas mal "disséquer" le film ^^), Les Noces Funèbres est vraiment un excellent film. Ressuscitant et modernisant l'Expressionnisme Allemand à travers une ancienne légende de l'Est, fun, mélancolique, coloré, plus que jamais la Charogne de Baudelaire scintille sous l'éclat de la pleine lune dans les bois !!! "Le Beau est toujours bizarre" Charles Baudelaire, 1868.