Aux amis français qui doivent attendre février 2015 (je vous plains)
(critique écrite dans un souci de ne pas spoiler ; cependant, un des enjeux thématiques du film est révélé à travers la description hors contexte et très vague d'une scène ; pas de danger donc, mais au moins vous êtes prévenus)
Sachant que le film est sorti la semaine dernière en Amérique (donc au Québec) et qu'il ne sort qu'en 2015 (en février putain) en France, c'est une belle occasion, je trouve, pour vous en faire la promotion. C'est magique comme situation, parce que c'est comme si j'avais eu la chance de tester le produit en avant-première pour vous éviter de risquer la déception à coup de 10€.
Big Hero 6 (car ce sera son nom tout au long de cette critique) est le dernier-né des studios Disney, trèèèès vaguement inspiré par un comics de Marvel du même nom et mettant en scène une équipe de super-héros à la Avengers, mais au Japon. D'ailleurs, vous savez le méchant dans The Wolverine, celui avec le gros robot, le Samouraï d'Argent ? Il provient de cet univers. Voilà pour l'anecdote.
Je ne vous ferai pas un synopsis du film, d'autant plus que ça gâcherait votre plaisir de le découvrir. Je vais en revanche vous dire pourquoi ce film est digne d'intérêt, et pourquoi, à l'occasion, il peut être décevant.
Grosso modo, je dirais que Big Hero 6 est un film déséquilibré : sa situation initiale est très longue et très riche en informations, et puis à un moment on sent une sorte de coupure un peu artificielle et le film glisse soudainement dans la grosse orgie visuelle. C'est pas tellement un problème, mais on regrettera juste que la première partie est vachement plus intéressante, aboutie et... drôle. Parce que si le rythme des premières 40 min se veut plus lent, plus près des personnages, il est en revanche garni de scènes touchantes, cocasses et intelligentes. La seconde partie, qui nous plonge davantage dans l'action, est vraiment très cool, mais loin d'être aussi captivante, intellectuellement ou émotionnellement parlant, que la première. Par ailleurs, vous l'aurez compris, Big Hero 6 met en scène une équipe de super-héros, mais on sent vraiment que les quatre autres héros (en dehors de Hiro et Baymax) sont là surtout par nécessité (le titre du film perdrait son sens quoi) et qu'ils sont globalement très peu utiles. Un peu comme les différents adolescents du premier film Dragons, qui n'étaient que des figurants, sauf que là ils sont mis à l'avant-plan malgré leur gros manque de profondeur, et on sent leur artificialité. Cette artificialité, on la décèle notamment dans leurs "pouvoirs" qui sont tous en lien avec l'invention sur laquelle ils travaillaient au moment de rencontrer Hiro la première fois, ou encore lors du combat final où, pris au piège chacun de leur côté, ils doivent se sortir du pétrin en "pensant en-dehors de la boîte", à la manière d'un shonen. C'est dommage, mais en même temps ça ouvre les portes à une suite qui sera probablement bien plus aboutie.
Les personnages secondaires ne sont donc pas tellement intéressants, mais ce n'est heureusement pas le cas de ceux qui nous intéressent, à savoir le duo Hiro/Baymax. La comparaison avec l'autre célèbre duo Harold/Crokmou est tout à fait à propos tant la relation qui les unit est similaire tout en étant très différente. Le fait que Baymax soit une intelligence artificielle apporte une dimension intéressante à cette amitié hors-norme, dimension qui, dans Dragons, était plutôt associée à l'intelligence animale, mais quoiqu'il en soit, dans les deux cas il y a un décalage entre le héros et son ami qui fait qu'une relation de complémentarité se crée. Baymax est par ailleurs tout aussi drôle que Crokmou, peut-être même plus, puisque lui au moins peu se permettre de parler, son comique ne passe donc pas uniquement par ses gestes ou ses mimiques. Et comme dans Dragons, cette amitié qu'on voit se créer entre les deux protagonistes est sincère et touchante, chacun de nous peut s'identifier à Hiro, et je crois que c'est ce qui fait la magie et la force de Big Hero 6.
Pour finir, Big Hero 6 n'est pas qu'une histoire d'amitié, c'est aussi une histoire de vengeance. Cette thématique est abordée de deux façons, soit par le biais du méchant (un méchant qui a des motivations humaines, ça fait du bien) et par le biais du héros. Cette utilisation double de la thématique crée un très intéressant parallèle entre les deux personnages et fait soulever des questions morales plutôt essentielles. Plus encore, à travers le thème de la vengeance chez le personnage de Hiro, on explore une facette qu'on voit très rarement (sinon jamais ?) dans les films d'animation et les films pour enfant en général : face à son ennemi démasqué et désarmé, Hiro, dans un accès de rage, ordonne à Baymax de le tuer. Évidemment, la scène n'est pas anodine, la question de la moralité d'un tel geste est rapidement soulevée par les différents personnages, en particulier Baymax, programmé pour sauver des vies, pas pour en détruire. On a même droit à une scène proprement terrifiante où l'on craint carrément pour le méchant. C'est un joli retournement de situation que nous offre là Disney, ça annule complètement l'apparent manichéisme qu'on perçoit au départ (avant de découvrir l'identité du méchant) et ça invite à la réflexion. Dès lors, on se demande : les actions du méchant, qui a agit égoïstement pour se venger de la perte d'un proche ne sont-elles pas identiques à celles de Hiro, pourtant le héros de l'histoire ?
On pourrait reprocher au film de ne pas traiter ces très intéressantes problématiques avec grande profondeur, mais c'est déjà merveilleux que ça y soit. Dans l'ensemble, c'est très beau film, qui n'est pas exempt de défaut, mais qui est sincère et intelligent, audacieux par moment (non mais sérieux, vous en connaissez beaucoup vous des héros de Disney qui seraient prêts à tuer leurs adversaires désarmés qui se rendent ?), peut-être un peu court pour ce qu'il tente de faire, mais reprochera-t-on à un film d'animation de servir du bon divertissement qui ne soit pas abrutissant pour une fois ? Un film qui a même amené une intéressante discussion sur la valeur de la vie entre ma belle-soeur de 10 ans et moi ?
Bref, gardez en tête qu'il faut aller le voir en février, oubliez tout ce que je viens de dire pour pouvoir le découvrir par vous-mêmes, puis revenez lire cette critique pour voir si j'avais raison finalement :3
Bon cinéma dans trois mois !