C'est Evan Hunter, plus connu sous le nom d'Ed McBain, le spécialiste du polar noir, qui est chargé de bâtir un scénario pour le film d'épouvante "les oiseaux" qu'a réalisé Alfred Hitchcock en 1963. Il s'inspire d'une nouvelle de Daphne du Maurier en la transposant dans un petit port de Californie, Bodega Bay.
Il faut dire que la nouvelle de Du Maurier est un peu différente sur le fond. En effet, il s'agit alors d'une attaque massive des oiseaux sur l'Angleterre et Londres est particulièrement concerné. L'état de siège est proclamé et le roman laisse peu d'espoir pour une fin heureuse. Les oiseaux y sont en passe de gagner.
Les oiseaux, qui nous apparaissent bien inoffensifs et plutôt une classe à protéger furent régulièrement source de craintes et de terreur de nos anciens. D'abord, ce sont les seuls rescapés des animaux des époques jurassiques et existent depuis bien plus longtemps que les fragiles petits êtres humains.
Aristophane, dans sa célèbre pièce, en fait une race intelligente et organisée, intermédiaire des humains et des dieux. Ils contrôlent les activités (misérables et méprisables) des humains et, de leur position intermédiaire, profitent des fumées des sacrifices destinés aux dieux au risque de les affamer et les détruire …
Mieux, les gaulois interdisaient l'accès à une colline (je crois que c'est à Vaise à côté de Lyon). La colline étant sacrée, nul ne devait y habiter sous peine d'une attaque coordonnée des corbeaux.
Et je ne parle pas des coalitions des oiseaux dans ma campagne normande qui bouffent les semis de tout le monde y compris des agriculteurs …
In fine, tous ces petits développements pour dire qu'Hitchcock n'a pas fait un film de science-fiction mais bien un film d'épouvante sur quelque chose de (presque) plausible…
"Les oiseaux" est un des premiers films de Hitchcock que j'ai vus. La première fois, c'était même dans un cinéma d'art et d'essai quand j'étais ado. En sortant de la séance, j'étais tellement impressionné que, si SC avait existé, j'aurais mis 10 (voire plus !). De nombreuses années plus tard, après de multiples visionnages à la télé et maintenant en DVD, les choses se sont un peu calmées. Ça reste un très bon thriller, superbement réalisé et qui n'a pas pris une ride.
D'abord, les bases du scénario sont admirablement construites. On ne sait rien des personnages qui se rencontrent par hasard alors qu'ils se sont déjà rencontrés. La rencontre est étrange et pas à l'avantage de Mélanie. Cela n'explique pas la motivation de Mélanie à vouloir retrouver Mitch : la curiosité, un défi, la vengeance, un jeu … En tous cas, c'est la première personne à subir une attaque d'oiseau comme s'il y avait, là, un avertissement, une punition. Plus tard, on remarquera que tout a commencé dès son arrivée.
Ensuite, les personnages, si j'exclue les enfants, ne sont guère complètement sympathiques. Mélanie est quand même un personnage plutôt intrusif. Mitch ne perd pas de vue son métier d'avocat et n'hésite pas à "vanner" Mélanie, qu'il ne connait en fait pas. Lydia, la mère, est juste odieuse. Le personnage classique de la mère castatrice … Faible quand Mélanie est forte pour s'attirer la compassion du fils. Forte quand Mélanie est en position de faiblesse car elle n'a plus rien à craindre.
Quant à Anny, l'institutrice, ancienne fiancée de Mitch qui n'a jamais pu vaincre la haine de la mère, Lydia, observe Mélanie en espérant qu'elle tombera sur les mêmes difficultés.
Spoiler : c'est peut-être le seul personnage un peu positif. Et Hitchcock la condamne…
Il y a donc de la part de Hitchcock une certaine perversité à réunir des personnages qui ne s'apprécient pas tant que ça et les obliger à faire face ensemble au danger.
Et surtout, le flou artistique que Hitchcock laisse complètement ouvert sur les causes de cette "révolte" des oiseaux et de leurs attaques, est assez génial dans la mesure où le spectateur se trouve dans la situation des personnages. Ce n'est pas le moment de chercher une théorie, on doit parer au plus pressé : se confiner ou fuir. D'ailleurs, même l'ornithologue, péremptoire dans ses avis, est démentie par l'observation des attaques coordonnées des oiseaux. Un grand classique de ce genre de film où le scientifique appelé à la rescousse est, évidemment, dépassé par des phénomènes qui ne sont pas décrits dans le manuel.
Reste le casting :
Rod Taylor (Mitch), Jessica Tandy (la mère) et Suzanne Pleshette (Anny) jouent efficacement leurs rôles respectifs.
Tippi Hedren est une actrice dont j'ai toujours un peu de mal à me convaincre. Bon, c'est son premier rôle au cinéma après une carrière de mannequin. C'est vrai qu'ici elle joue le rôle d'une jolie femme insouciante et frivole, née avec une cuiller d'argent dans la bouche. Donc tout va bien ? En fait, je ne suis jamais séduit par ces femmes à la beauté froide. J'ai tendance à être agacé par son regard qui semble me dire, au-delà de son rôle, "vous avez vu comme je suis belle".
Film qui reste impressionnant par la technicité des trucages et de la mise en scène. L'absence de musique contribue à maintenir un bon niveau d'angoisse et de suspense chez le spectateur.