Aussi fascinant qu’hypnotisant, le dernier long-métrage de Jacques Audiard, Les Olympiades, annonce le retour du réalisateur après son expérience aux Etats-Unis avec son western Les frères Sisters sorti en 2018. Le film est fascinant d’un point de vue narratologique, dans le fait de suivre le destin de ces trois personnages principaux qui sont tous les trois confrontés à des questionnements modernes et intemporelles : la conception de l’amour, le sexe, l’orientation sexuelle ; mais aussi les doutes le travail, l’orientation professionnelle … Ils sont tous les trois à un moment de leur vie où ils doivent prendre une décision forte, tout en étant en même temps confrontés à plusieurs difficultés et questionnements. Par exemple, le personnage masculin joué par Makita Samba, est partagé entre ses questionnements et décisions à prendre à la fois professionnel, domestique et sentimental.
Audiard prend le temps de mettre en place son histoire, mais aussi et surtout ses personnages qui l’habitent ; à un tel point qu’on pourrait se demander vers le début du film, si l’on ne suit pas plusieurs histoires parallèles pour plusieurs personnages différents. Cela n’est pas faux ceci dit, mais le film évite d’aller vers le film à sketch, en proposant de relier tous les personnages entre eux par l’endroit commun dans lequel ces derniers vivent : Les Olympiades. Ainsi, Emilie qui est amoureuse de Camille, va être attiré par Nora dont on va suivre son histoire avant que celle-ci ne rencontre Camille. Malgré une relation sexuelle entre Camille et Nora, cette dernière est attirée par Amber, une actrice pornographique avec laquelle elle va avoir une relation virtuelle qui sera beaucoup plus plaisante pour elle.
Les questionnements du film, notamment sur les relations sentimentales et/ou sexuelles sont très ancrés dans la réalité contemporaine, et cela constitue la force du film : quand on le voit, on comprend dans l’époque dans laquelle nous vivons (et ce même si le sujet du covid est écarté). Par exemple, on peut citer cette relation virtuelle entre Amber et Nora qui est, encore plus ces derniers temps (avec les confinements), très fréquente. Ou encore, on peut aussi citer les relations uniquement sexuelles entre personnes (la relation entre Emilie et Camille, même si Emilie est amoureuse de ce dernier), la manière de « draguer » via les applications de rencontre (c’est ce que fait Emilie pour rendre jaloux Camille, lorsqu’ils ont cessé leur relations sexuelles) … On arrive à comprendre dans l’époque et la société dans laquelle nous vivons par ces quelques exemples. Le film est captivant et fascinant dans ce qu’il raconte, d’un point de vue scénaristique. Et Audiard n’a pas été seul pour le scénario, car il a pu compter sur les deux réalisatrices talentueuses que sont Céline Sciamma et Léa Mysius avec qui il a pu collaborer pour l’écriture du film.
Enfin, le film est hypnotisant d’un point de vue visuel et sonore. La musique du compositeur Rone est une pure merveille, car elle arrive à rendre compte des tensions qui subsistent entre les personnages en plus de leur tension psychologique intérieure, et que tout cela peut à tout moment éclater et laisser place au chaos. Et visuellement, ce qui fait d’ailleurs la grande force du film, c’est son utilisation du noir est blanc assez impressionnante à l’œil. Par exemple, lorsque Audiard va filmer le quartier de manière très contemplative et quasi documentaire, il y a un magnifique travail de contraste, de clair-obscur et de jeux de lumières à la fois discret et expressif : on va voir ces gros blocs noirs par exemple au début du film que sont les immeubles avec ces petites fenêtres qui laissent place à lumière laissant voir que ces blocs sont habités.
Audiard filme les Olympiades souvent de manière austère, notamment avec ces nombreuses contre-plongées lorsqu’il filme les immeubles de jour. Le travail sur la lumière dans ce film frôle le génie, particulièrement son utilisation sur les corps et les visages de manière très sensuel notamment lors des scènes de sexe soulignant l’union plus ou moins forte entre les personnages. En toute modestie, Les Olympiades de Michel Audiard est sans doute l’un des meilleurs films de l’année.