"Les gens auraient davantage peur de s'exprimer en public que de mourir !" relève la soeur de Camille tout en perdant son encombrant bégaiement. Radiographie d'une génération, représentation d'une banalisation contemporaine du sexe. Pas vraiment d'accord. Je perçois d'abord trois personnages égarés qui ignorent leur identité, à l'état de chose, et ne conçoivent en conséquence avec les autres qu'une relation obéissant à des lois consuméristes (le déracinement culturel d'Emilie, la frustration et démotivation professionnelles de Camille, le traumatisme psychique lié à l'oncle de Nora). Ils s'abordent un peu comme des animaux (Amber troublée par un client lui demandant de s'adresser à son chien), le temps de se révéler à eux-mêmes par une revalorisation du langage, du verbe. En réalité, ils ignorent tout de la vie, même la conscience du corps. Représentation malmenée peut-être par la virtualisation qui en est faite à l'ère contemporaine ? (pourtant c'est en conversant par écrans interposés que Nora et Amber, parviendront à se découvrir puis à dévoiler amour et identité). L'idée la plus inconsciemment cynique et atroce du film, est située dans la "transaction" entre Emilie et la colocatrice chinoise, à qui elle demande de prendre sa place pour rendre visite de façon hebdomadaire à sa grand-mère, en déclin à l'hôpital. Mais comme tout le reste du film, il ne s'agit pas d'en faire une lecture réaliste mélodramatique, mais seulement métaphorique.
Le film est passionnant sur l'identité, la communication aujourd'hui, très bien écrit (dialogues également) et joué avec beaucoup de talent (les trois réunis, Noémie Merlant un degré en plus). Et je ne sais pas comment le dire, mais c'est rare de voir une famille noire représentée au cinéma de manière aussi naturelle, ça fait plaisir (devrait être plus fréquent).