Même si ce n'est que le deuxième film pour lequel je fais une critique sur SC, j'aime bien le réalisateur Richard Brooks que je trouve intéressant. Intéressant parce qu'il y a toujours une (petite) connotation politique ou sociétale derrière son propos. D'autant qu'il est pratiquement toujours le scénariste de ses films. Bonne méthode pour maîtriser ainsi totalement ce qu'il va y mettre.
Un peu touche à tout au cinéma, il aborde avec brio les problèmes éducatifs dans "Graine de violence", la littérature dans "les frères Karamazov", l'aventure dans "Lord Jim", la guerre, les polars et puis les westerns.
J'en connais au moins trois dont "la dernière chasse", la chevauchée sauvage" (objet d'une critique) et "les professionnels".
"Les professionnels" est un western qui s'apparente à l'histoire d'un commando rassemblé par un magnat américain pour aller délivrer sa femme, kidnappée par un bandit mexicain, ancien révolutionnaire … Étant donné les risques encourus d'aller titiller le bandit dans sa tanière, l'affaire ressemble plus à un commando suicide qu'à une promenade au clair de lune. Le groupe est composé de quatre vieux briscards de l'ouest, revenus d'à peu près tout, dont deux anciens (Lee Marvin et Burt Lancaster) qui avaient combattu pour la révolution mexicaine aux côtés du fameux bandit kidnappeur (Jack Palance). Le troisième (Willy Strode) est un spécialiste du tir à l'arc et de diverses armes et le quatrième (Robert Ryan), spécialiste et dresseur de chevaux pour assurer l'entretien des montures en pays inhospitalier.
Alors là, je me dois de faire une petite pause pour parler de la relation particulière que fait Richard Brooks avec les chevaux mais aussi du point commun qu'il y a entre "la chevauchée sauvage" et "les professionnels". Dans "la chevauchée sauvage", Gene Hackman doit convoyer un cheval mustang prévu pour participer à une course prestigieuse mais se refuse à le maltraiter ou le presser pour qu'il puisse arriver à temps. Ici, dans "les professionnels", Richard Brooks introduit finalement un peu le même genre de personnage avec Robert Ryan qui se refusera obstinément, par exemple, à abattre – de sang-froid - les chevaux des bandits mexicains tués au risque qu'en retournant à leur ranch, ils trahissent leur présence. Le cheval dans les westerns de Brooks est une personnalité, un acteur à part entière …
Pour revenir au film "les professionnels", le commando des quatre cow-boys part effectuer sa mission pour arracher l'épouse kidnappée des griffes du bandit mexicain (Jack Palance). Le rôle de l'épouse kidnappée est interprété par une somptueuse et sauvage Claudia Cardinale dont l'anglais (très latin) est très facile à suivre… Bien sûr, le contrat mirobolant signé par nos quatre olibrius va se révéler un marché de dupes et à la fin,
Spoiler : ils repartiront toujours aussi pauvres mais dignes. Évidemment.
Bon, on voit que l'histoire est hyper classique mais ce n'est pas cela le plus intéressant. Ce sont les numéros des trois acteurs, Lancaster, Lee Marvin et Jack Palance qu'on découvre bien plus humanistes que le début du film ne le laissait croire. En effet, dans leur jeune temps, leur idéalisme les avaient poussé vers la Révolution avant d'en être complètement désillusionnés. Même si les intérêts des uns et des autres ont fortement divergé avec les années, les souvenirs affluent et seuls restent le respect et l'honneur.
Alors qu'il est mortellement blessé par Burt Lancaster, Jack Palance, dans un grand envol lyrique, apparait pour ce qu'il n'a, au fond jamais cessé d'être, un héros romantique et exprime son désarroi : "la Révolution, c'est comme une histoire d'amour. Au début, elle est divine, elle est une déesse mais elle a un terrible ennemi : le temps. C'est alors qu'on la découvre comme elle est. De déesse, elle est devenue une putain" (en substance)
Très bon western superbement réalisé en cinémascope et technicolor dans les paysages désertiques du Nevada. Au-delà de l'action commando et du final plein de panache, le film nous fait partager l'humanisme et leur foi en l'homme de ses protagonistes même s'ils ont perdu bien des illusions.