Se risquer à comprendre la haine qui tourne autour de ce film, c'est se risquer à comprendre la haine qui tourne autour de Kev Adams. Et là, ça fait peur. Qu'un simple amuseur d'ados qui n'est ni vulgaire, ni particulièrement idiot, dont l'humour n'incite précisément ni à la haine ni à l'exclusion, qui ne fait son beurre sur aucun sujet de société brûlant, qui ne s'intéresse pas aux polémiques, qui aime juste faire des blagues inoffensives pour un public qu'on a tous été... qu'un simple acteur comique générationnel, parfaitement dépourvu de casseroles politiques ou idéologiques, qui n'est attaquable que sur la question d'un talent que les plus de trente ans seraient de toute façon bien peu aptes à juger (ou alors qu'on lance aussi une kabbale contre Midi les Zouzous, autant être cohérent jusqu'au bout), bref, qu'un type finalement aussi normal et aussi peu antipathique (surtout en regard du reste de la production hexagonale) se fasse autant haïr, notamment sur SensCritique, m'inquiète sérieusement. Après avoir vu les deux films des Profs, c'est une certitude qu'un tel déferlement de haters est au mieux ridicule, au pire symptomatique d'une certaine dérive antipopuliste dont il faudrait se préoccuper, tout de même.


Les pourfendeurs de ce film se prétendent cultivés, mais encore faut-il l'être pour apprécier ce qui en fait le sel. Rappeler que Pierre-François Martin Laval reste une des meilleures alternatives comiques du cinéma français actuel, pour tout un tas de raisons bien trop méconnues : énergie de la réalisation, rapidité des enchaînements, hystérie des gags qui renvoient à une imagerie post-Tex Avery dont l'ex-Robin des Bois s'est toujours réclamé. Depuis ses débuts aux côtés de Marina Foïs, Jean-Paul Rouve et Maurice Barthélémy, Pef a creusé un certain sillon de l'absurde et du lunaire, qu'il a toujours eu plus de mal à mettre en scène au cinéma qu'au théâtre, sans doute ; pourtant ses films valent le détour, ne serait-ce que pour goûter à quelque chose d'un minimum différent que ce que nous proposent les Langmann/Rassam depuis des lustres. Sur la forme particulièrement, Les Profs 2 reste son film le plus abouti, le plus travaillé, le plus intéressant finalement, même s'il adresse à des jeunes. L'hallucinante puissance cinétique ne faiblit jamais, quasi épileptique : moins un signe de maladresse qu'un signe de générosité, comme souvent chez Pef, qui donne sans compter. Même en étant adulte, il n'est pas interdit de s'émouvoir devant les coups d'éclat d'une réalisation dopée aux stéroïdes, d'un rythme si effréné qu'il s'approche enfin totalement d'un dessin animé Tex Avery. L'outrance des gags, cet aspect cartoonesque délibéré fonctionnent à plein régime. On a le droit d'y être allergique ; on a moins le droit de reprocher à Pef son inventivité maladive dès qu'il s'agit de faire des blagues. Son propre personnage est d'ailleurs le plus convaincant, napoléonien obsessionnel aux prises avec son ennemi juré. Le voir donner sa classe devant un parterre d'élèves anglais tout droit sortis de Harry Potter a quelque chose de vraiment sympa, presque exaltant, définitivement hilarant. Dans ce film comme dans ses précédents, Pef se défenestre, se prend des portes, des gamelles, des chutes tantôt lamentables, tantôt spectaculaires. Il n'hésite pas à se mettre en danger.


Pour le reste, il n'y a pas grand-chose d'autre à dire : l'ambiance est réussie, ce côté Harry Potter parodique croisé avec le légendaire Foon des Quiches (on y pense régulièrement) donne un vrai cachet à l'univers. Dans l'image, dans les musiques, dans l'innocence sans complexe qui enrobe chaque gag, même les plus grossiers (il y en a), ces Profs ont quelque chose de rayonnant. On oublie que c'est une bande dessinée à la base tant Pef s'est approprié le matériau d'origine, l'a fait sien, l'a rempli de son propre univers. Il laisse à chacun son instant de gloire, chaque acteur a la possibilité d'exprimer son potentiel comique, en particulier Arnaud Ducret et l'indémodable Isabelle Nanty, tous deux dans le registre de l'hystérie la plus décomplexée. Quant à Kev Adams, il est simplement en retrait, avec son humour habituel, bêta et passe-partout, s'effaçant derrière l'exubérance de ses enseignants et de l'univers dans lequel il évolue. Son amourette avec la petite-fille de la reine d'Angleterre est à l'image du film : insignifiante, attachante. C'est tout le film qui est rythmé, bon esprit, très énergique. Idiot et parfois fatigant, mais dépourvu de cynisme. Parfois les blagues ne marchent pas, mais on ne pourra définitivement pas reprocher à Pef et ses acteurs de ne pas avoir essayé. Un bon film pour jeunes, qu'il n'est pas interdit d'apprécier si on est plus vieux, pour peu qu'on suive avec intérêt l’œuvre de Pef et qu'on aime s'aventurer hors des sentiers battus. Un record au box-office français ? On aurait franchement pu tomber bien pire. C'est même une assez bonne nouvelle considérant les concurrents en lice.

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le 7 nov. 2015

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Seb C.

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