Le roman de Steinbeck sorti en 1939 a rencontré un grand succès aux USA. Le producteur Darryl Zanuck y voit un bon sujet et en confie à John Ford l'adaptation au cinéma en 1940.
J'ai lu le roman il y a très longtemps et l'ai reparcouru avant d'écrire mon commentaire. Selon mon souvenir et ce que j'ai pu retrouver, j'ai l'impression que le scénario du film respecte la trame générale du roman en en simplifiant (forcément) les évènements. On va dire que le scénariste a extrait l'essentiel du roman. Je ne me souviens pas non plus d'écarts dans la tonalité politique, par exemple, entre roman et film. Pour en avoir une idée plus précise, il me faudrait le relire …
Une chose est sûre concernant l'aspect historique de l'histoire, c'est que ce que raconte le roman correspond à une période précise et relativement courte entre 1929 et 1932 autour de la Grande Dépression qui a vu la ruine de nombreux petits fermiers de l'Oklahoma et d'autres états comme l'Arkansas. Ces fermiers furent expropriés et obligés de partir vers d'autres régions supposées riches dont la Californie pour y trouver du travail avant de recevoir des aides substantielles du gouvernement.
Ce que décrivent roman et film, ce sont les difficultés énormes à l'arrivée dans (le supposé) Eldorado du fait de la rareté des emplois et des fortes réticences (euphémisme mais je n'ai pas trouvé d'autre mot) des Californiens à accueillir ces nouveaux immigrants. Sujet bien connu de par le vaste monde et toujours d'actualité, d'ailleurs...
En termes de mise en scène, Ford a mis l'accent sur la pauvreté et la simplicité de la famille Joad sans pour autant tomber dans un misérabilisme larmoyant car en même temps, il a insisté sur l'amour-propre des membres de cette famille qui ne recherchent pas la fortune mais du travail afin de survivre. Le comportement de Ma, la mère, est tout-à-fait dans cette idée. On est expropriés, ok, eh bien, regardons devant nous, allons de l'avant et oublions le passé. Quand elle monte dans le camion - à l'avant -, elle n'a pas un regard vers l'arrière. Même chose quand elle trie dans ses souvenirs. Elle a un comportement fédérateur vis-à-vis de sa famille dont elle ne craint que le délitement et tremble à l'idée de perdre Tom. Dans le premier bidonville, alors qu'elle fait la tambouille pour sa famille, son cœur saigne à la vue des autres enfants du camp qui ont faim et leur réserve le fond de la casserole qu'elle leur laisse. Son humanisme (ou son empathie) est évident.
L'actrice qui tient ce personnage s'appelle Jane Darwell. Elle joue habituellement des seconds rôles (Mary Poppins – 1964) mais ici elle crève l'écran. Elle a reçu un oscar pour son rôle qui me semble très mérité.
Son fils Tom est interprété par un Henry Fonda complètement dans son rôle. Il joue un personnage qui s'est eu mis en difficulté avec la loi puisqu'il a tiré 4 ans de prison suite à un homicide. C'est l'homme qui prend conscience du poids des injustices sur ses semblables et du rôle qu'il peut tenir dans ce combat. Dans la magnifique scène d'adieu avec Ma, à la fin du film, il y prend carrément une dimension biblique "Je serai partout dans l’obscurité. Je serai partout où tu regardes. Là où il y a un combat pour que les gens puissent manger, je serai là". Biblique mais pas politique "on me parle de ces rouges mais qu'est-ce que c'est que ces rouges"
D'ailleurs pour conclure, je voudrais revenir sur la dimension biblique du film (je n'ai pas pu vérifier si c'est aussi valable dans le roman mais je n'en ai pas souvenir…). Au-delà l'Exode vers la Californie, pays où coule le lait et le miel, le grand-père meurt à l'entrée du pays. Comme Moïse, il voit les nombreux vergers mais ne sera pas autorisé à pénétrer dans le nouveau pays de Canaan… Le film me semble même fourmiller de références bibliques mais, là, c'est ma culture qui est brusquement insuffisante …
Est-il utile de dire en conclusion que "les raisins de la colère" est un puissant et profond film que John Ford a voulu remplir d'espoir à travers le beau personnage de Ma.