Le choix d'un rôle, d'un seul, peut donner un sens plein, une mesure juste, à toute une filmographie. Même quand on est déjà un géant d'Hollywood, du cinéma américain, du cinéma mondial. Bien sûr, aujourd'hui nous avons le recul nécessaire pour comprendre les enjeux narratifs, émotionnels, que génère un tel film. Oui mais l'année de la production de "Paths of Glory" qui avait entendu parler de Stanley Kubrick ou de Kirk Douglas en Europe continentale ? Avaient-ils été nombreux à suivre les aventures lyrico-antiques de "Spartacus" dans une salle de cinéma de ce côté-ci de l'atlantique ? Qui savait de quel bois se chauffait le Director, le maestro de la mise en images sèche, organique, rigoureuse comme un problème d'algèbre ou d'arithmétique ? Et le comédien tantôt voluptueux, lyrique, sémillant (dans "La Vie passionnée de Vincent Van Gogh" de Minnelli par exemple en 1956) ou bien suave, manipulateur et dangereusement séduisant (comme dans "Les ensorcelés", toujours de Minnelli en 1952 ou dans "Le Gouffre aux chimères" de Billy Wilder la même année) ? Savait-on cette année-là (1957) que ce film projeté dans beaucoup de salles de cinéma à travers le monde donnerait à voir les images que nous ne pourrions jamais nous imaginer, jamais convoquer dans notre esprit, à moins d'y laisser une part de nous-même, comme un lancinant voyage au coeur même de l'enfer, dans le sang et dans la boue, avec pour seule alternative l'assurance de n'en jamais revenir... sinon au prix du sang versé, au prix des larmes qui pourtant ne cicatriseront jamais aucune blessure, au prix de ces derniers deniers, ceux qui donnaient la valeur obtuse, contingente, incompréhensible, de toute existence humaine jusqu'à cette terrible année noire, démoniaque, 1914 : de quoi sont faites les étoffes de nos rêves, de nos ardeurs, de nos misérables déambulations à travers les chemins viciés de l'espérance commune ? Sommes-nous nombreux à regarder la lune briller de mille éclats au milieu de la dévastation et du carnage, en attendant que les dieux de la colère et de l'affliction terminent leur maléfique office ? Que veut dire aimer aujourd'hui ?
Marcellien
10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Top 10 meilleurs films historiques

Créée

le 10 juin 2014

Critique lue 410 fois

3 j'aime

3 commentaires

Marcellien

Écrit par

Critique lue 410 fois

3
3

D'autres avis sur Les Sentiers de la gloire

Les Sentiers de la gloire
Alexis_Bourdesien
9

Lutte des classes et lutte des places

Dimanche au travail, dimanche sans visiteurs, dit donc dimanche de la critique. C’est Les Sentiers de la gloire qui passe cet après-midi au Scanner de Confucius, de manière désorganisée et rapide...

le 24 juin 2013

125 j'aime

17

Les Sentiers de la gloire
Eren
10

La Fureur de l'Étranger

Je la tiens pour de bon. L'oeuvre de Stanley Kubrick la plus touchante et humaine. Pour moi j'entends... L'oeuvre qui, quand on me citera le nom de son réalisateur, me reviendra à l'esprit avant...

Par

le 8 févr. 2014

122 j'aime

7

Les Sentiers de la gloire
pphf
8

Boulevard de la honte

Contrairement à ce qu’on peut lire un peu partout, Les Sentiers de la gloire n’ont pas été censurés en France. C’est pire. Producteurs et censeurs ont choisi d’anticiper la censure et de ne pas...

Par

le 11 mai 2014

62 j'aime

1

Du même critique

Tant qu'il y aura des hommes
Marcellien
9

Une merveille de film !

Cela faisait bien longtemps que je n'avais pas revu ce film de l'âge d'or hollywoodien. Alors revoir les beaux visages de Deborah Kerr, de Burt Lancaster, de Monty Clift et de Frank Sinatra fut à...

le 17 sept. 2014

9 j'aime

11

Arbitrage
Marcellien
7

Critique de Arbitrage par Marcellien

Avec la crise des sub-primes en 2008, partie des Etats-Unis puis submergeant le monde financier peu à peu aux quatre coins de la planète, les vieilles terreurs du passé refirent surface. La crise...

le 19 juil. 2013

5 j'aime

Le Fanfaron
Marcellien
10

Un bijou de comédie italienne...

...Qui n'écarte pas le drame pourtant. Mais, enfin, rouler dans une Lancia décapotable en compagnie de Vittorio Gassmann, le Prince du cinéma transalpin moderne, et de Jean-Luis Trintignant, un amour...

le 13 mai 2014

4 j'aime