Enthousiasmé par le résultat du précédent film de Stanley Kubrick, "l'ultime razzia" la star Kirk DOUGLAS décide de collaborer avec le réalisateur pour ce qui deviendra outre l'un des plus grands films de guerre de tous les temps, l'un des plaidoyers anti-militariste les plus virulents.
Pendant sa première partie, nous suivons la 701° compagnie menée par le colonel Dax, a qui l'ordre est donné de s'emparer d'une position allemande primordiale à la stratégie de l'armée française. Nous sommes en 1916 sur le front est, en pleine guerre des tranchées, la guerre de positions où les quelques dizaines de mètre gagnés sur l'ennemi une nuit au prix de centaines, de milliers de morts et blessés sont repris le lendemain.
Kubrick fait montre ici de toute sa maestria en termes de réalisation, les travellings dans les tranchées sont d'une fluidité hallucinante lorsqu'on réalise que les caméras se portaient à la force des bras et que le steadycam serait inventé plusieurs décennies plus tard. La photographie, et le design sonore, participent à l'immersion ressentie et si d'ergoteurs spécialistes ne pourront s'empêcher de remarquer quelques libertés avec la réalité historique, il n'en demeure pas moins que Kubrick nous plonge au plus près de la réalité de ces hommes.
L'attaque, comme on le comprend très vite est vouée à l'échec, et la virtuosité avec laquelle est filmée la charge suicidaire de la première division, n'efface pas l'immense inconscience coupable des généraux. Inouï le nombre de films de guerre ultérieurs qui s'inspireront de cette scène, comme si Kubrick avait posé de façon définitive la meilleure façon de filmer une attaque de fantassins.
Refusant d'admettre l'insondable bêtise de leur plan d'attaque, les plus hauts gradés impliqués décident de juger sur le chef de "manque de combativité face à l'ennemi" trois soldats désignés au hasard par un tribunal militaire.
Une pratique alors courante dans l'armée française, les fusillés pour l'exemple.
La deuxième partie du film nous montre les enjeux du procès, tant du point de vue des condamnés et à travers eux de tous ces hommes servant de chaire à canon que du point de vue de ceux qui leur ordonnent de se battre et de mourir, sont à l'arrière. S'ajoute alors une dimension sociale, sur le front, sous les balles, les pauvres gens, les sans grades, les pauvres et ceux qui manquent d'instruction. A l'arrière, sous les lambris dorés, les nantis, les notables et les décideurs.
Kubrick réussit au travers d'une réalisation exceptionnelle, une direction d'acteur magistrale à faire un film de guerre majeur qui fait encore aujourd'hui référence, une satyre contre l'armée cinglante dans un pays où l'histoire militaire et l'armée jouissent d'une grande popularité, et à ceux qui lui reprocheront d'avoir choisi de dénoncer les travers d'une armée étrangère, il répondra quelques trente ans plus tard en montrant au monde l'absurdité d'une autre armée, avec son "Full metal jacket", mais aussi un film social et politique d'une finesse d'analyse bluffante et enfin, en achevant sa narration par l'union d'une chanteuse allemande et des soldats survivants de la 701° compagnie au coeur de ce récit dans le chant à l'unisson d'un chant anti-militariste, sur des plans des visages émus de ces hommes, Kubrick nous montre l'humanité dans toute sa beauté effrayante.
La France censurera le film à sa sortie, enlisée alors dans le conflit algérien, jusqu'en 1975.
"L'ultime razzia" marquait la naissance d'un cinéaste, "Les sentiers de la gloire' marque la naissance d'un maître.