Sans renouveler le genre, très américain, du film de procès (dont je suis un grand client, il suffit de me mettre un monologue d'avocat dans un film pour avoir d'emblée mon adhésion), Aaron Sorkin, l'un des scénaristes les plus brillants d'Hollywood, désormais réalisateur, place, comme toujours, le verbe au centre de son récit. Un verbe malmené, interdit, violenté, interrompu par une justice qui n'en est plus une, incarnée par un juge partial et sénile (brillamment interprété par le trop rare Frank Langella).
Le propos est évidemment politique (tout comme l'est ce procès, qui fait de ses accusés des symboles de la répression de l'opposition), et Sorkin le sait très bien, sortant son film à quelques jours des élections présidentielles américaines. Mais il ne s'en cache pas et réalise ici un beau film de lutte (les flashbacks revenant sur le déroulement précis des manifestations de Chicago, tout en tension, sont particulièrement réussis). Articulé autour de trois lieux (la ville de Chicago où se déroulent les manifestations, le tribunal et la "Maison du complot" où logent les accusés durant la durée du procès) et donc de trois temporalités, le film, pourtant massif (deux heures chargées de noms et de récits), ne perd jamais son rythme, notamment grâce à un humour particulièrement efficace (Sacha Baron Cohen et Jeremy Strong, en hippies, sont tordants, bien soutenus par le flegme désabusé de Mark Rylance, tout en ironie).
S'il reste, dans sa mise en scène, d'un académisme qu'on n'aurait aimé voir un peu secoué, Les Sept de Chicago reste une jolie réussite.