Aaron Sorkin réalise un film efficace qui rappelle une étape cruciale de l'histoire des États-Unis. Rappeler ou faire découvrir ces faits n’aura jamais été d’autant d’actualité. On retrouve le style très propre de Sorkin, dense et verbeux et spectaculaire. Après un démarrage assez expéditif qui énumère les protagonistes et présente succinctement leur environnement, le film se cale sur un bon rythme, dynamique mais lisible, qui alterne les jours et les nuits du procès et les flashbacks des événements. Le travail différenciant des lumières et ambiances colorées renforce cette alternance et concourt à la lisibilité du film. La qualité technique est indéniable mais frise un peu l’exercice de style académique où rien n’est laissé au hasard. Cela rend l’ensemble un brin figé, ce qui est dommage pour un film sur la jeunesse contestataire.
Si on regarde un peu plus loin que ce côté grosse machine huilée Hollywood, ce qui est intéressant reste quand même le propos du film. Grâce à une bonne mise en scène et à d’excellents dialogues et joutes verbales, Sorkin démontre la pluralité des individus et des pensées, qui suivent certes un but commun mais pas un chemin identique. Les accusés sont montrés dans leurs accords et leurs désaccords, dans leurs forces et leurs faiblesses. En un sens le film est également un plaidoyer pour la liberté d’expression et surtout la pluralité des idées. Je regrette que par moments le film soit un peu trop sur le terrain de l’indignation, comme pour nous pousser encore plus émotionnellement à nous ranger du côté des accusés. Je pense notamment au flashback où Rubin empêche un viol, qui n’apporte pas grand-chose narrativement et sert surtout à nous exalter. Certaines scènes chocs restent cependant nécessaires à rappeler, comme le bâillonnement de Bobby Seale ou encore la lecture finale du nom de plus de 4000 soldats morts au Vietnam pendant le procès.
C'est un vrai plaisir de voir des acteurs dans des rôles un peu nouveaux. En premier Eddie Redmayne qui se libère avec ce film de ses derniers rôles assez identiques. Joseph Gordon-Lewitt livre une prestation à la fois ferme et ouverte, tout en élégance et Sacha Baron Cohen démontre tout son talent dans un film beaucoup moins que clivant que ses rôles habituels. Et puis il faut citer l'incroyable prestation de Frank Langella en juge Julius Hoffmann, clef de voûte de la partialité et de l’iniquité du procès et du système le soutenant. Dans ses excès dans son côté paternaliste et moralisateur il représente tout ce que rejette les prévenus. Accompagné du duo de procureurs, ils vont incarner de manière fascinante tous les recours que l’État va tenter pour discréditer et réprimer les mouvements contestataires, mais aussi pour déplacer le débat (se concentrer sur des auteurs présupposés de violences pour ne plus parler des mouvements anti-guerre ou de l’émergence de la contre-culture et de modes de pensées différents).
Les 7 de Chicago est certes un peu lisse mais conjugue efficacement divertissement et leçon d’histoire, et est très plaisant à regarder. Sans être le film de l’année, il mérite amplement notre attention, que vous ne connaissiez ou pas cette étape clé de l'histoire américaine.