Comme le dit la bande-annonce, voici un film que toutes les femmes devraient voir et qui rappelle qu’il fut un temps pas si lointain où les femmes n’étaient guère mieux traitées en Europe qu’elles le sont aujourd’hui dans de nombreux pays d’Afrique et d’Asie. On sera du reste choqué d’apprendre à la fin du film que la Suisse n’a accordé le droit de vote aux femmes qu’en 1971 !!!
Les Suffragettes revient sur l’histoire du mouvement pour le droit de vote des femmes au Royaume-Uni, mené par Emmeline Pankhurst. On suit le parcours de Maud, simple ouvrière travaillant depuis son enfance dans une blanchisserie et qui, au contact de ses nouvelles amies suffragettes, prend conscience que la loi des hommes la prive de ses droits les plus fondamentaux. À travers son histoire, le métrage de Sarah Gavron aborde avec justesse et de manière globale la question du droit des femmes. L’obtention du droit de vote apparaît ainsi comme la condition sine qua non de l’obtention d’autres droits également déniés aux femmes : notamment le droit de gérer soi-même son argent (les cordons de la bourse sont tenus par le mari), le droit d’autorité parentale sur les enfants (uniquement reconnu au père de famille : Sonny, l’époux de Maud, peut dès lors faire adopter leur fils sans que Maud puisse s’y opposer), etc., et plus largement le droit de mener une vie digne qui ne soit pas dictée par les désirs des hommes. Loin d’être présenté comme une fin en soi, le droit de vote est bien un début pour s’émanciper de la domination masculine et être reconnue comme un individu à part entière. C’est pourquoi Les Suffragettes met également en évidence le sexisme ambiant et les violences sexuelles impunies, telles celles exercées par le contremaître de la blanchisserie où travaille Maud.
Les tensions et les divisions à l’intérieur du mouvement du droit des femmes sont aussi évoquées. Pour rappel, le mouvement mené par Emmeline Pankhurst était au départ un mouvement pacifiste basé sur le principe de désobéissance, avant de se radicaliser face au refus des autorités de prendre au sérieux les revendications des suffragettes. Dès lors, les entreprises de sabotage succèdent à la simple désobéissance, et entraînent une répression violente : militantes tabassées, arrêtées, emprisonnées, et n’ayant plus comme moyen de protestation que la grève de la faim auxquels les autorités répondent en forçant les prisonnières à se nourrir grâce à un procédé barbare. Les spectateurs sont confrontés au même dilemme que Maud et ses camarades : faut-il nécessairement en passer par des actes violents pour faire entendre sa voix ? Le métrage ne tranche pas vraiment, soulignant seulement le fait que les militantes prennent soin de ne jamais faire de victimes. On coupe les fils du télégraphe, on fait exploser les boîtes aux lettres pour perturber les communications, on fait même exploser la résidence d’été que Lloyd George, chancelier de l’Échiquier et futur Premier ministre, se fait construire, mais uniquement après avoir vérifié qu’elle est inoccupée. Car l’important n’est pas de lancer une guerre civile mais d’obliger l’autre, le dominateur, l’homme, à écouter les revendications de celles qui refusent de rester dominées.
Au final, ce sera une authentique tragédie qui portera sur la scène publique internationale le combat des femmes britanniques pour le droit de vote : la mort d’Emily Davison, accidentellement renversée par le cheval appartenant au roi George V lors du derby d’Epsom en tentant d’accrocher à la bannière du coursier un drapeau de la Women’s Social and Political Union.