Et voilà maintenant le Musketeer Cinematic Universe… (…Et le pire c’est que ça le ferait presque.)

Franchement, dans l’idée, j’étais chaud.
Le roman d’Alexandre Dumas, à la base, ça reste de l’art populaire de haute volée accessible à tous ; un art qui a su se faire tout aussi fédérateur que dévastateur. Parce que, l'air de rien, en devenant des figures culturelles identifiées par tous – au point d'être massivement réinvestis par des œuvres multiples – les trois mousquetaires sont un peu des Batman et Superman d’avant l’heure.
Dès lors, que Pathé ait voulu en faire le sujet de leur dernière grosse production est en soi quelque-chose qui ne me choque pas. Bien au contraire, j’avouerais même avoir été clairement émoustillé par un tel projet.


Car oui, en ce qui me concerne, je trouve vraiment qu’il y avait quelque chose à faire avec cette idée de blockbuster Trois mousquetaires. Parce que jusqu’à présent – et de ce que j’ai pu en voir ou en apercevoir – nos trois héros dumasiens n’ont pour moi pas connu la meilleure des fortune en termes d’adaptation cinématographique.
Si on s’en tient aux versions les plus récentes, les pauvres n’ont su croiser le fer qu’au travers de films français bien engoncés et sans panache – citons juste pour nous faire mal la terrible Fille de d’Artagnan – ou bien alors par l’entremise de productions ricaines fort lisses voire guignolesques. Citons ici, pour le moins pire des cas, l’homme au masque de fer et pour le reste, évoquons tout en prenant bien la peine de ne rien porter à sa bouche Les trois mousquetaires 3D de Paul W. « Resident Evil » S. Anderson… (oui oui …« 3D »).
Autant dire qu’un créneau restait à prendre ; un créneau dumasien en somme. Un créneau que ce film aurait pu prendre et que – franchement –il était à deux doigts de saisir.


Alors OK – tuons tout de suite le suspense – ces Trois Mousquetaires sauce Pathé ne sont clairement pas la grande envolée filmique et spectaculaire qu’on était en droit de fantasmer au regard du casting et du budget avancés... Mais je trouve néanmoins qu’il a eu le mérite d’ouvrir une voie.
Ces personnages de mousquetaires un brin iconoclastes par exemple, moi déjà je dis oui. Aucun n’est vraiment fidèle à son temps ni même à Dumas. Et si on a pris la peine de mobiliser un casting quatre étoiles c’est aussi pour lui laisser un peu la barre. Ainsi Duris rejoue un peu son Molière de chez Tirard, Cassel navigue sur une brèche assez proche de celle du Patrick qu’il jouait dans Notre jour viendra – entre bagou flamboyant et folie suicidaire – et Pio Marmaï n’a pas manqué ici l’occasion de faire… du Pio Marmaï (Je pense qu’il ne sait rien faire d’autre d'ailleurs, mais il faut avouer qu’il le fait plutôt bien.)
…Et si François Civil et Lyna Khoudri font vraiment un peu tâche dans ce film – peinant clairement à crédibiliser leur rôle – par contre à l’inverse Louis Garrel nous offre dans ce film une prestation assez inattendue en roi Louis XIII mais qui se révèle au final totalement dans le ton du projet.


Car il est manifeste que le ton recherché dans ce film est celui du film grand public qui cherche le bon équilibre entre tout ce qui peut fédérer aujourd’hui – l’action, la comédie, le panache – et que par rapport à ça, en certains moments, il parvient vraiment à faire mouche.
La complicité entre les quatre personnages reprend efficacement les codes du buddy movie mais sans sombrer dans le simplisme étatsunien. Pour cela la recherche du bon mot permanent est un effort appréciable même si celui-ci est fort inégal et tombe parfois dans une gênante artificialité (surtout quand c’est à François Civil ou à Lyna Khoudri de s’y coller).
Idem, le scénario a su faire selon moi les bons choix dans ce qu’il y avait à garder de l’intrigue originale et de ce qu’il y avait à transformer pour les besoins d’une plus grande spectacularisation de l’aventure. En cela l’œuvre parvient à donner une certaine justice aux lieux visités – qu’il s’agisse des riches intérieurs comme des cours somptueuses, en passant par les ruelles poisseuses et les falaises anglaises – tout comme elle réussit à se conclure sur un gros point d’orgue d’autant plus impactant que ce dernier permet de relier et de résoudre pas mal d’arcs narratifs avant d’en ouvrir d’autres pour sa suite.
Enfin, difficile de ne pas louer ce choix assumé de mobiliser des codes très contemporains pour les scènes d’action car il s’agit là, selon moi, du genre d’audace qu’il fallait savoir prendre pour arriver à l’objectif recherché ; audace qui permet d’ailleurs d’offrir quelques bons moments vraiment bien sentis.


J’avoue par exemple avoir eu mon petit coup de cœur pour la scène de capture de Buckingham filmée en hors-champ pendant que l’objectif se focalise sur l’angoisse de la reine. Idem, l’attaque menée sur le convoi d’Athos filmée de l’intérieur, sans relever du génie, se montre vraiment efficace. Même chose pour le montage de la scène d’action finale, lors du mariage princier, qui ménage particulièrement bien la tension, les enjeux et le sens de l’espace.


Pour toutes ces raisons-là, moi, j’entends donc ne pas cracher dans la soupe.
Globalement j’ai passé un bon moment et je ne suis pas ressorti de ma séance les mains vides, Bons points donc…


Mais bon, au-delà de ça, l’honnêteté m’oblige à ne pas trop vous vendre de rêve non plus.
OK ces Trois mousquetaires version blockbuster de chez Pathé ne sont certes pas passés à côté de leur objectif, mais ce serait aussi vous mentir que de vous faire croire qu’avec cette super-production, tonton Seydoux a su mettre en plein dans le (Patrick) Mille.
Car si l’initiative est bonne – garantissant quelques moments efficaces – il faut aussi savoir accepter à côté de tout ça une mise-en-forme souvent grossière et parfois franchement grotesque…
…Et par rapport à ça, difficile de ne pas évoquer le cas Bourboulon.


Martin Bourboulon, sitôt j’ai vu apparaître son nom à la suite de la longue liste de noms ronflants du casting que mon début de sourire s’est tout de suite mis à faner.
…Et ça n’a pas manqué.
Les scènes d’action sont tout bonnement dégueulasses. Sitôt un semblant d’agitation s’installe que la scène donne l'impression d'être tournée à travers le tambour d’une machine-à-laver démoniaque. C’est aussi absurde que hideux. Visiblement personne n’a prévenu ce bon Martin que le coup de la shaky cam pour masquer son manque total d’inspiration, c’est juste cramé depuis maintenant plus de quinze ans.
C’est moche. C’est con. C’est illisible. Bref, ça ne marche pas.
Voilà un premier boulet de greffé au pied de ces Trois mousquetaires ; boulet dont il sera d’ailleurs difficile de se défaire.


A côté de ça, prenons aussi en compte une photo sépia qui affadit tout, des maquillages qui consistent à tartiner les gens soit de plâtre soit de terreau de jardinage pour qu’ils fassent bien crassou, une direction d’acteurs qui n’empêche certes pas les meilleurs d’exceller (Cassel et Garrel pour rappel, mais j’y rajouterais aussi un excellent Patrick Mille en Chalais, un très inspiré Marc Barbé en Tréville et un inattendu – mais efficace – Eric Ruf en Richelieu) ; mais direction qui amène certains à se prendre clairement les pieds dans la tapisserie de Bayeux (j’évoquais plus haut les cas Civil et Khoudri, mais que dire d’Eva Green en Milady totalement surfaite.) …Et puis aussi difficile d’ignorer une écriture qui perd clairement en mordant au fur et à mesure que s’égrainent les minutes. D’habiles cabotins dans sa première moitié, ces Trois mousquetaires deviennent tristement sérieux et fades sur la seconde.
A la fin les trublions rentrent dans le rang et ennuient franchement un peu.


Alors certes, au final on est quand même assez loin de Dumas, de son élan et – surtout – de sa remarquable technicité pour rassembler les foules autour d’une belle épopée fédératrice. Il est vrai…
…Néanmoins, en ces temps troublés où « grand spectacle » rime rarement avec « film qui claque », peut-on décemment faire les fines bouches quand les puissants daignent faire preuve d’un minimum de panache pour essayer enfin de justifier leur place au sommet de la pyramides de privilèges cinématographiques ?
Pour ma part, la question est déjà tranchée.
En vile manant affamé que je suis, je ne vais pas cracher dans la main qui me tend la miche…
…Et d’ailleurs il y a fort à parier que, fin décembre, j’irai quémander ma deuxième partie aux grands riches. ;-)

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le 8 avr. 2023

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