La surprise correcte qu'était le premier opus du diptyque dédié à l'œuvre d'Alexandre Dumas pouvait nous laisser espérer une suite qui saurait corriger les lacunes de cet audacieux coup d'essai.
Au-delà des soucis plastiques du film, notamment sa photographie brunie à l'extrême et ses scènes d'actions illisibles, le premier volet des Trois Mousquetaires produit par Pathé avait aussi pour défaut son écriture bancale, peinant à donner à ses quatre protagonistes un temps de présence satisfaisant à l'écran. On regrettait qu'Aramis et Portos soit à ce point en retrait, qu'Athos ne soit finalement qu'une caricature de vieux vétéran incarné par Vincent Cassel, là où D'Artagnan, campé par un François Civil assez investi, était au contraire l'une des choses les plus réussies du film. De même pour la présence d'Eva Green dans le rôle de Milady : si ce choix de casting relevait d'une évidence et que l'actrice volait sans peine la vedette à ses homologues masculins chaque fois qu'elle apparaissait à l'écran, on regrettait en revanche que son personnage soit aussi peu développé, et qu'elle ne soit guère autre chose, à l'instar d'Athos, qu'une caricature.
Un archétype de femme fatale assez creux, dont on ignorait ses motivations et sa véritable personnalité.
Face à une suite qui porte littéralement son nom, il était légitime cette fois-ci d'attendre que le film se centre sur elle, et mette encore plus en valeur le charisme vénéneux de son interprète.
A l'exception peut-être des visuels, qui renvoient au placard cette photographie brune assez laide, Martin Bourboulon n'a honoré aucune de mes attentes dans cette suite.
Je crains même ne pas avoir grand chose à dire sur celle-ci, tant elle m'a semblée vide, inoffensive et plutôt insignifiante.
Les dialogues sont toujours aussi empathiques et ridicules, et pour paraphraser Judith Beauvallet du site Ecran Large, on a vraiment l'impression d'assister à une cohorte de collégiens qui récitent un texte du XVIIe siècle. Je ne crois à aucune ou presque des interactions entre les personnages, puisque j'ai l'impression qu'ils s'expriment dans une langue bien trop verbeuse et littéraire, qui n'était probablement pas celle parlée par les militaires ou le bas-peuple.
Les plans-séquence sont toujours aussi illisibles et incompréhensibles ; on peine à comprendre qui donne un coup ou le reçoit, où se situe les assaillants et les défenseurs… vouloir singer les moments forts de John Wick et Tyler Rake dans un film de cape et d'épée est une démarche vaine, en plus d'être parfaitement incohérente.
Portos est complètement oublié de l'intrigue, ce qui est quand même un comble pour un film qui s'appelle Les Trois Mousquetaires, le fameux siège de La Rochelle est balayé en trois scènes, le contexte historique et ses multiples intrigues sont tout juste intelligibles, le personnage d'Athos est vaguement étoffé par la présence d'un fils lors d'une scène d'un cliché fini, et Milady… Je ne sais pas si le problème relève du texte, de la direction d'acteur, du fait qu'Eva Green n'avait peut-être plus envie d'incarner ce personnage, mais c'est sans aucun doute le plus gros pétard mouillé du film.
La pseudo-tension sexuelle qu'elle a avec D'Artagnan est embarrassante et vulgaire, on jurerait voir une mauvaise parodie de Basic Instinct. De plus, même si le talent d'Eva Green parvient tout du même à lui conférer un semblant de tragique, notamment lors de ses échanges avec Athos ou Constance (qui, sont selon moi, compte parmi les meilleurs moments du film), je la trouve cependant complètement sous-exploitée, alors que ça aurait dû être elle, le noyau du récit.
Elle aurait dû être au centre de l'intrigue, on aurait dû avoir droit à un long-métrage centré intégralement sur cette anti-héroïne fascinante et tragique.
Sauf qu'à force d'osciller entre les péripéties de D'Artagnan, d'Athos, de la Cour, des querelles idiotes d'Aramis et Portos, le film ne lui laisse que deux scènes, à peine, pour vraiment briller. On a donc l'impression d'un long-métrage boursoufflé, essayant à la fois de condenser un maximum de péripéties issues du roman de Dumas, tout en essayant d'offrir un grand spectacle hollywoodien et de laisser un peu de matière pour une éventuelle suite.
Résultat des courses : la fin n'en est pas vraiment une, le spectateur n'est pas vraiment attaché à ces personnages qui ne sont caractérisés que par un trait de caractère, les scènes d'actions singent inefficacement le nouveau modèle américain, et les quelques bonnes idées du film sont sous-exploitées, perdues dans une entreprise démesurée de vouloir faire renaître les grandes heures du divertissement français.
Une grosse déception en ce qui me concerne, d'autant que malgré ses défauts, le premier opus m'était vraiment sympathique.
Nous verrons ce que donnera Le Comte de Monte-Cristo, mais il faudrait peut-être avertir Jérôme Seydoux que s'il tient tant à faire de Pathé le nouvel El Dorado du blockbuster en France, il devrait sans doute songer à engager un metteur en scène plus adroit que Martin Bourboulon, car celui-ci m'a paru complètement dépassé par l'ampleur de la tâche.