Tale of tales

Milady fait suite à D'Artagnan, premier volet d'un diptyque ayant pour ambition de remettre au goût du jour le film de cap et d'épée. Auréolé d'un succès critique et commercial avec près de trois millions d'entrées, la seconde partie arrive sur grand écran ce mercredi, et même si la solidité de la production prouve encore une fois que l'ambition du cinéma français ne se limite pas qu'à ses comédies, ce second volet n'échappe pas à quelques écueils que le premier avait habilement évités.

En focalisant cette partie II sur l'action, elle délaisse ses personnages, réduisant les trois mousquetaires à une poignée de scènes, reléguant tous les personnages secondaires au rang tertiaire, effaçant même certains d'entre eux. L'interaction entre les personnages nouaient les enjeux du premier, donnait le la et faisait qu'aucune baisse de rythme n'était à l'horizon. Ici, la mécanique n'est plus si bien huilée, les séquences n'ont plus le lien si solide qu'unissaient celles du premier, en plus d'ajouter un nouveau personnage, une nonne enceinte, lançant une quête annexe qui n'a que peu d'utilité tant la conclusion de celle-ci est rapide, contrairement à la quête annexe du collier dans le premier qui faisait sens pour permettre de cerner le personnage de D'Artagnan. Cette quête annexe se fait au détriment d'autres personnages qui, eux, méritaient plus d'approfondissement, comme celle qui donne son nom au film. En effet, Milady aurait dû être au premier plan, mais n'a pas beaucoup plus d'importance que dans le premier film. Pourtant, la relation de dupe nouée avec D'Artagnan au début du film était intéressante, au détour de scènes où la douce vipère tente de séduire et de manipuler la blanche colombe, mais celles-ci sont souvent avortées et n'aboutissent pas. On se satisfait du talent d'Eva Green, toujours aussi remarquable, avec son regard sournois, parfaitement à l'aise avec son rôle de manipulatrice, mais dont on en redemande, tant son sort reste incertain à l'issu du film.

Là où le premier alliait traditionalisme dans sa plastique et modernité dans son intrigue avec pertinence, ici, le rapport est inversé, avec une image plus saturée, plus modernisé et collant aux attentes des spectateurs, mais avec une intrigue trop traditionnelle et plus consensuelle, avec notamment un contexte géopolitique et historique mis de côté sous prétexte qu'il a déjà été au cœur du précédent volet, celui-ci se concentrant davantage sur les trahisons. Néanmoins, les principaux traîtres connus du premier ne subissent pas les conséquences de leurs actes, trop de choses sont laissées en suspens à l'issu du long-métrage.

Au niveau du visuel, chaque film a son identité et sont de fait complémentaires, même si différentes. Suite à certaines critiques reprochant des couleurs mornes, les couleurs sont ici plus saturées, plus vives, en parfait adéquation avec cette volonté de dynamiser le récit et de satisfaire l'envie des spectateurs de voir un grand spectacle historique à la française. Sur ce point, c'est parfaitement réussi, reprenant le dynamisme des combats du premier tout en apportant un souffle épique à cette odyssée historique.

Une certaine frustration subsiste tant il souffre de la comparaison avec le premier, mais au-delà de ça, nombre de qualités fait définitivement surnager ce second volet au-dessus de la mêlée des propositions françaises vues cette année. Une interprétation solide, un univers parfaitement maîtrisé, une manière de magnifier l'esthétique et être totalement cohérent avec l'époque représentée (XVIIème siècle), avec des séquences de batailles maîtrisées, des scènes d’action sublimes, une intrigue dont on ne démord pas, des révélations placées au bon moment, un visuel qui est de haut niveau, un casting exquis. Après avoir mis le doigt sur bon nombre d'écueils, cette critique s'attarde peu sur le bon, voire sur le très bon, pourtant il faut dire que le moment passé est excellent, le seul problème est qu'on en redemande.