Les trois visages de Mario Bava
Sens de l’à-propos bien venu ou manque de créativité patenté, je diviserai l’avis qui suit en trois parties, comme l’est le film, sans oublier au passage une petite présentation que vous êtes en train de lire et une conclusion que vous lirez tout à l’heure, en tout cas pour ceux que je n’aurais pas perdu en route.
Les trois visages de la peur sont :
Un tueur maniaque qui terrorise sa future victime au téléphone d’où le titre (auquel on pourrait attribuer mon introduction) : Il Telefono.
Victime incarnée par une brune Michèle Mercier au top de sa beauté qui reçoit tard le soir de nombreux appels où un homme la menace d’une mort certaine avant les premières lueurs du jour, sa peur ne fait qu’augmenter lorsque ce dernier lui fait comprendre qu’il épie le moindre de ses faits et gestes, notamment lorsqu’elle se dénude un peu.
Intrigue de départ classique qui comme dans tout giallo qui se respecte nous réserve quelques bons rebondissements et se permet tout de même d’aborder un sujet assez « délicat » pour l’époque, ce premier sketch vaut surtout pour la réalisation sans faille de Bava qui pose son ambiance dès les premières secondes et distille habillement jeux d’ombres, silences angoissants et musique très classe de Roberto Nicolosi. Au niveau des décors ou de la situation en elle-même, on peut songer à sa « Fille qui en savait trop » sorti la même année dans les salles obscures.
Un vampire ou approchant, du mystère et de l’épouvante : I Wurdalak
L’histoire s’inspire du folklore russe et débute ainsi : un jeune-homme, Vladimir, arrive chez une famille qui vit dans la terreur du Wurdalak, une créature morte-vivante assoiffée de sang. Leur père est parti quelques-jours plus tôt avec la volonté de terrasser le monstre et plus que la peur qu’il ne revienne pas, celle qu’il rentre devenu wurdalak à son tour. Vladimir tombe sous le charme de la blonde Sdenka quand le paternel, incarné par Boris Karloff, rentre au bercail. Et l’on se rend très vite compte que les pires craintes de la famille seront confirmées.
Changement d’ambiance radical, ici on est en plein dans le gothique avec une histoire se déroulant la nuit, il y a fort longtemps, dans une campagne austère et isolée. De la neige, le vent sifflant et des ruines environnantes… Bref tout ce qu’il faut pour accompagner un bon film d’horreur comme je les aime. Déroulement classique mais rondement mené, peut-être la seule des trois parties qui aurait pu être suffisamment étoffée jusqu’à en faire un film à part entière.
Enfin, une revenante revancharde dans La Goccia d’Acqua (La Goutte d’Eau)
Dernière partie et sans aucun doute la plus effrayante car comment dire… ça commence, une femme boit un verre en écoutant de la musique, s’apprête à démarrer quelques menus travaux de couture, il ne se passe rien et… la peur est déjà là. On appelle ça le talent ma bonne dame !
Le cours tranquille de la soirée d’Helen est donc interrompu par un coup de téléphone, une vieille femme vient de décéder et elle doit se rendre sur place pour passer à la trépassée une tenue de deuil décente, chose que ne se voit pas faire sa propre domestique, trop peureuse. Arrivée sur place, Helen procède au changement de tenue et révèle sa nature malhonnête en volant la superbe bague que la vieille femme portait au doigt, puis rentre chez elle. Et c’est là que d’étranges phénomènes surviennent, tout d’abord subtils puis de plus en plus effrayants, l’atmosphère devient de plus en plus lourde jusqu’à un dénouement aussi terrible qu’ambigu.
Ici, tout le génie de Bava pour la mise en scène transparaît à l’écran tant tout y est millimétré, image, décors, sons, lumières pour rendre une ambiance des plus angoissantes. Ce dernier sketch fait vraiment peur, mission accomplie !
Un court épilogue (énoncé par un Boris Karloff à cheval) ou Bava, dans un pied-de-nez libérateur et plein d’ironie, nous montre que tout ceci est factice, ce n’est « que » du cinéma. En fait, ce qui reste de plus réel dans tout ceci est surement la peur et le plaisir suscité par ce film (ces films devrais-je dire) qui est à découvrir, assurément, tant elle est représentative de l'oeuvre riche et variée de Mario Bava.