Emil Loteanu, réalisateur soviétique d'origine ukrainienne né en Moldavie du temps où c'était la Roumanie, était la bonne personne pour parler des Tsiganes. Qui eût cru que les clichés sur ce peuple nomade fassent partie intégrante de la société russe des temps jadis ? Le pays n'a jamais été connu pour sa compassion, mais le film nous éclaire, Occidentaux incultes que nous sommes, sur les préjugés dont ils furent victimes là-bas aussi, et dans lesquels on se trouve un malheureux point commun, dans l'intolérance, avec la Russie des Tsars.
Ce film de 1976 est un film de visages, dans tous les sens du termes ; ils sont variés, ils vont et viennent comme si le spectateur avait le privilège de faire partie de la tribu pendant quatre-vingt-dix minutes. Mais le plus étonnant, c'est la musique. Elle est intégrée d'une manière qui ne la différencie guère de Broadway ; les acteurs sont en playback, ils articulent et jouent vraiment les chansons. Cela rend l'ambiance un peu confuse mais c'est peut-être là aussi que l'Occident n'est pas réceptif à cette manière de faire les choses ; on comprendra mal la place de la sorcellerie et l'histoire paraît parfois être mise au rebut derrière les priorités graphiques, mais cela ne l'en dépare pas de sa fascinante intégrité.
Quantième Art