Avec 𝐴𝑑𝑑𝑎𝑚𝑠 𝐹𝑎𝑚𝑖𝑙𝑦 𝑉𝑎𝑙𝑢𝑒𝑠, Barry Sonnenfeld dépasse les attentes d’une simple suite pour offrir une œuvre plus ambitieuse, où l’humour noir et l’absurde s’entrelacent. Si l’univers des Addams est toujours cet espace décalé où chaque norme est inversée, ce second volet s’affirme par une liberté formelle et narrative plus assumée, qui renforce la dimension subversive et cartoonesque du film. Loin de s’appuyer uniquement sur l’esthétique gothique, Sonnenfeld pousse ici plus loin le jeu des références et des genres, revisitant avec légèreté les codes du film familial pour mieux les détourner.
Le cœur battant du film demeure la relation entre Gomez toujours interpreté par Raul Julia et Morticia campé par Anjelica Huston, dont la complicité va bien au-delà des simples répliques caustiques. Leur amour, en dépit de son exubérance, est d’une sincérité troublante, créant un contraste avec le chaos qui les entoure. Ce couple, qui célèbre la morbidité avec une passion sans bornes, devient l’âme du récit, un point d’ancrage dans un univers où l’absurde règne en maître. La mise en scène de Sonnenfeld sait capter cette dualité; sous l’humour noir, il y a une tendresse manifeste, presque romantique, qui donne à cette comédie macabre une densité inattendue.
L’introduction du personnage de Debbie Jelinsky, interprété par Joan Cusack vient renforcer cette dimension satirique. Cusack, avec sa capacité à passer de l’humour le plus décalé à une menace sous-jacente, incarne à merveille cette figure du double maléfique. La manière dont elle se joue de Uncle Fester, jusqu’à s’infiltrer dans l’univers dément des Addams, ajoute une couche de malice supplémentaire au film.
Visuellement, 𝐴𝑑𝑑𝑎𝑚𝑠 𝐹𝑎𝑚𝑖𝑙𝑦 𝑉𝑎𝑙𝑢𝑒𝑠 ne se contente pas d’être un simple prolongement du premier volet. Le film ose davantage, faisant de chaque plan une composition ludique, où les éléments du décor participent pleinement au récit. Ce qui, dans le premier film, pouvait sembler une illustration fidèle des cartoons de Charles Addams, prend ici une dimension plus vivante, plus tangible. L’univers visuel, plus coloré et outrancier, trouve une cohérence parfaite avec la folie douce qui traverse le film.
Au-delà de l’aspect purement cartoonesque, le film joue avec une intelligence particulière sur les références culturelles. De la critique implicite du modèle familial traditionnel à l’insertion de dialogues mordants, chaque scène est un prétexte pour réinterpréter les codes du genre, en les rendant plus absurdes, plus subversifs. La satire sociale qui sourd dans l’envoi des enfants Addams à un camp de vacances est à la fois hilarante et cruellement lucide, soulignant cette opposition entre la marginalité revendiquée des Addams et la conformité forcée du monde extérieur.
Si 𝐴𝑑𝑑𝑎𝑚𝑠 𝐹𝑎𝑚𝑖𝑙𝑦 𝑉𝑎𝑙𝑢𝑒𝑠 est plus cartoonesque que son prédécesseur, il n’en reste pas moins un film profondément intelligent et maîtrisé. Sonnenfeld parvient à faire de cette suite une œuvre à part entière, où l’humour noir, le grotesque et l’amour démesuré cohabitent avec une audace visuelle et narrative rare. Le résultat est un film aussi jouissif que déconcertant, qui, derrière ses gags et son exubérance, cache une vraie réflexion sur la norme et la différence. Un modèle de comédie macabre, où chaque éclat de rire s'accompagne d'une douce subversion.