Denys de la Patellière est un cinéaste qui n'a pas toujours eu la cote auprès des cinéphiles (des vrais). Il fut, comme bien d'autres, méprisé par la Nouvelle Vague. Pour ce qui me concerne, j'ai dû voir au moins une bonne douzaine de films (et même de téléfilms) et sur le nombre, je n'en ai repéré que 1 ou 2 un peu plus faibles, mais loin d'être nuls pour autant.
"Les yeux de l'amour" dont le titre n'est pas très engageant, faut bien dire, par allusion à un feuilleton plus récent, est, lui, à compter parmi les films de De la Patellière que j'aime beaucoup.
D'abord l'histoire est belle. Une femme, Jeanne, devenue "vieille fille" par la force des choses et en particulier par la force de sa mère, recueille un jeune homme, Pierre, devenu aveugle accidentellement. Jeanne et Pierre s'aiment envers et contre tout, en particulier, contre la mère de Jeanne. Mais cet amour pourra-t-il résister à la guérison de la cécité de Pierre ?
Bon, d'accord, dit comme ça, j'ai parfaitement conscience que l'histoire relève de la collection Harlequin…
Mais c'est compter sans les dialogues signés Audiard qui, sans être du niveau de ses plus grandes réussites, apportent un certain piquant notamment dans les répliques de la mère mais pas seulement.
Le travail de mise en scène me parait aussi tout-à-fait honnête d'autant qu'il est assisté par un jeune Pierre Granier-Deferre. La scène de l'entrée de Pierre dans la chambre de la mère, est très réussie ou encore la scène du venimeux règlement de compte mère-fille …
Là où le film prend toute sa valeur, c'est au niveau du casting où il n'y a que des acteurs connus.
D'abord Danielle Darrieux qui interprète le rôle de Jeanne. Il faut oser dire que Jeanne n'est pas belle même si la mise en scène du personnage tend à donner un aspect pas si attirant que ça qui correspond bien au personnage complexé qui n'a plus d'illusions. Un beau personnage très réussi et émouvant.
Le jeune homme Pierre est joué par Jean-Claude Brialy, jeune, de façon assez sobre.
La mère de Jeanne, c'est une impitoyable Françoise Rosay en chatelaine acariâtre, hypocondriaque et profondément égoïste qui ne cesse de rabaisser sa fille. Elle joue à fond son personnage détestable qui n'a qu'un seul objectif : conserver auprès d'elle par tous les moyens sa fille et la jeune servante.
Bernard Blier joue le rôle du médecin de famille qui fut dans des temps anciens un soupirant de Jeanne dont les fiançailles furent rompues par la mère … Louis Seigner, en chirurgien des yeux ... On le voit, que du beau monde dans ce film pour faire avancer cette belle romance. Le contexte de l'Occupation n'a guère d'importance et ne sert qu'à habiller l'ambiance générale du film et permet à Françoise Rosay d'exhaler un peu plus de rancœur.
En bref, c'est un beau film où on se prend vite à partager l'émotion dégagée par - la toujours belle - Danielle Darrieux.