Voici donc la deuxième partie du diptyque réalisé par Clint Eastwood sur la bataille d'Iwo Jima. J'avais tenu à voir les deux films dans la foulée pour bien en apprécier la cohérence.
D'ailleurs, je n'ai pas connaissance que ce type d'exercice ait déjà été fait, du moins avec autant de minutie. Par exemple, le débarquement des troupes américaines est saisissant de symétrie avec les américains qui débarquent et partent à la conquête avec confiance et les japonais qui attendent qu'ils aient suffisamment avancé. Dans un film comme dans l'autre il n'y a pas de triomphalisme au moins au niveau du terrain (vu l'hécatombe, il n'y a pas de quoi) ; côté japonais, les gens ayant parfaitement conscience qu'ils sont désormais seuls à défendre un empire après la déroute complète des forces aéronavales japonaises les mois précédents, se préparent pour le sacrifice comme exigé par l'empereur.
L'intérêt de ces deux films est d'éviter le manichéisme classiques des bons d'un côté et des méchants de l'autre. Que les choses sont plutôt dans un gris plus ou moins foncé d'autant plus que le général japonais et son adjoint direct un colonel eurent précédemment de très bonnes relations avec les américains, l'un en qualité de diplomate et l'autre ayant été champion olympique aux jeux de Los Angeles en 1932. Le scénario ayant été bâti sur des lettres déterrées quelques années plus tard et sur de rares témoignages, bien difficile de savoir quelle fut la vraie réalité sauf à considérer le nombre de tués (environ 20000) et le nombre de prisonniers (environ 200) traduisant un certain degré d'abnégation nationaliste dans le camp japonais.
Quelque chose que j'ai trouvée bien dans le DVD est l'absence d'une version anglaise du film. Les japonais parlent japonais et seuls le général et le colonel parlent anglais dans les flash-backs concernant leur vie antérieure ou dans l'interrogatoire mené par le général sur un prisonnier américain. J'ai trouvé que cela donnait un meilleur cachet d'authenticité. Cependant pour tempérer mon commentaire, sachant que le DVD comporte aussi une VF et sachant l'horreur de l'américain moyen à propos des sous-titres, je ne jurerai pas de la non-existence d'une version en anglais …
Le reproche que je faisais sur l'aspect un peu brouillon de "Mémoires de nos pères" du fait des nombreux flash-backs et des passages "de nos jours", ne s'applique pas ici où la lecture est beaucoup plus linéaire et centrée sur moins de personnages.
Côté mise en scène, les batailles sont parfaitement bien rendues et tout aussi lisibles. La couleur lors des batailles dans les deux films est filtrée pour donner une espèce d'ocre grisonnante (pas mieux comme qualificatif…) accentuant la tristesse mais surtout l'aspect hideux d'une guerre.
Un mot sur la musique écrite par Kyle Eastwood qui est très belle mais d'une facture classique. A la réflexion, je me suis demandé in petto s'il n'aurait pas été mieux qu'il y ait quelques mélodies japonaises qui auraient amené un peu plus de couleur locale. Il est possible que ce choix n'ait pas été retenu pour simplement éviter de tomber dans la caricature. Je ne sais pas.
Au final, j'ai préféré ce deuxième volet du diptyque plus émouvant, plus homogène dans la réalisation. Comme dans "mémoires de nos pères", Clint Eastwood laisse transparaître le message de l'absurdité de la guerre et de ceux qui la commanditent : chez les vainqueurs, on fabrique les héros pour les exhiber, chez les vaincus, les héros se tuent pour éviter le déshonneur.